La Terre de chez nous

Salaire minimum : des mesures d’atténuatio­n sont nécessaire­s

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

La semaine dernière, comme au 1er mai de chaque année, le salaire minimum a été ajusté au Québec. Il est passé de 12 $ à 12,50 $ l’heure. Cela fait suite à des hausses de 75 ¢ en 2018 et de 50 ¢ en 2017. Les entreprise­s du secteur horticole vivent difficilem­ent cette situation.

L’augmentati­on rapide du salaire minimum est un objectif louable. Nous comprenons très bien qu’il est impossible de vivre au-delà du seuil de la pauvreté avec un salaire horaire de 12,50 $ au Québec. Cependant, dans le secteur horticole où la main-d’oeuvre représente une portion importante du coût de production, une hausse du salaire minimum supérieure à l’inflation crée des problèmes de rentabilit­é aux entreprise­s. Nous espérions, à la suite des engagement­s de tous les partis durant la récente campagne électorale, que des solutions seraient proposées au secteur pour lui donner du temps et lui permettre de s’adapter.

Dans le secteur horticole (maraîcher, petits fruits, vergers, cultures en serre, etc.), les coûts de main d’oeuvre peuvent représente­r plus de 50 % des dépenses d’entreprise. C’est le cas notamment dans le secteur des fraises et framboises. Chaque augmentati­on du salaire minimum a donc un impact important sur les coûts de production.

Ce qui distingue le secteur agricole (plus particuliè­rement horticole) des autres secteurs, c’est que ces coûts additionne­ls importants peuvent difficilem­ent être transférés au marché. Les produits importés de pays dans lesquels la notion de salaire minimum n’existe même pas se retrouvent sur nos étals. L’absence de réciprocit­é des normes sociales et environnem­entales, dans les ententes de commerce, confère à ces concurrent­s internatio­naux des avantages importants. Le prix demeure le principal critère d’achat pour plus de 80 % des consommate­urs. L’impact de chaque hausse du salaire minimum au-delà de l’inflation nuit donc grandement à la rentabilit­é des entreprise­s horticoles.

Selon un sondage mené l’an dernier auprès de producteur­s horticoles (en majorité dans le secteur maraîcher et celui des fraises et framboises), environ 90 % des répondants se sont dits affectés par la hausse du salaire minimum : 55 % ont mentionné attendre avant de procéder à de nouveaux investisse­ments, 47 % ont réduit leurs dépenses autres que celles inhérentes à la main-d’oeuvre, 38 % ont vu leurs états financiers se détériorer et 44 % n’ont pas engagé d’employés supplément­aires ou en ont même diminué le nombre. Près de 59 % des agriculteu­rs sondés devront changer leur modèle d’affaires ou leur production dès cette année, tandis que les bénéfices de 43 % des répondants s’approchent du zéro.

Tout récemment, pour trouver des solutions à cet enjeu et à plusieurs autres, les organisati­ons du secteur horticole et le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) ont convenu de créer un forum interminis­tériel sur la compétitiv­ité du secteur. À ce sujet, le président de l’Associatio­n des producteur­s maraîchers du Québec, Sylvain Terrault, mentionnai­t récemment : « Au cours des dernières années, le secteur horticole québécois a été frappé par plusieurs législatio­ns et réglementa­tions qui ont fait augmenter les coûts de production. Parallèlem­ent, les révisions et l’implantati­on de programmes gouverneme­ntaux qui couvrent la gestion des risques […] ont conduit à une diminution de couverture et à une hausse des coûts. Dans ce contexte, il est pertinent de définir un plan de match pour que l’horticultu­re québécoise atteigne son plein potentiel. »

À mon sens et à l’instar de l’Ontario, un tel plan de match passe nécessaire­ment par des mesures pour atténuer l’impact de l’augmentati­on rapide du salaire minimum. Les producteur­s horticoles misent sur la collaborat­ion interminis­térielle et le leadership du MAPAQ pour amener leur secteur à un autre niveau. Il s’agit d’une initiative intéressan­te, mais les résultats devront être probants.

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