La Terre de chez nous

Apprendre à vivre avec un diagnostic de cancer

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec

Gabriel a 25 ans. Producteur laitier à la ferme familiale avec son père, il avait comme ambition de reprendre l’entreprise. Les démarches pour un transfert étaient enclenchée­s. Il était loin de se douter qu’un problème de santé chambouler­ait ses plans. C’est pourtant ce qui est arrivé lorsqu’un verdict de cancer est tombé. Comment peut-on continuer d’être positif après une telle annonce?

« J’étais tout le temps fatigué, plus que d’habitude », se remémore Gabriel. « Je suis allé voir mon médecin parce que je m’endormais partout; ça n’avait pas d’allure », poursuit-il. Puis, la nouvelle qu’il redoutait l’a frappé en plein coeur : masse cancéreuse. « Ç’a été un gros choc! Je ne pouvais pas croire que ça m’arrivait à mon âge. J’avais l’avenir devant moi, des projets, une terre et des animaux », dit-il, le trémolo dans la voix. Le jeune homme s’est alors engagé dans l’imposante machine du système de santé. « Au début, la chimiothér­apie et la radiothéra­pie, ça te rentre dans le corps. Le lendemain des traitement­s, je n’avais pas le choix de dormir un peu plus tard le matin. » Heureuseme­nt pour Gabriel, son père a été compréhens­if et a mis les bouchées doubles à l’étable pour lui permettre de se rétablir. « Mon père a eu peur de me perdre, même s’il ne me le disait pas. Je lui répétais d’aller en parler de son côté, de consulter pour ne pas garder sa peine à l’intérieur de lui », raconte le jeune producteur.

Gabriel, lui, a eu besoin d’exprimer ses émotions auprès d’une personne neutre. « Je ne pouvais pas tout dire à mes amis et à ma famille. C’était difficile pour eux de me voir comme ça. Le fait de me confier à une travailleu­se de rang m’a donné le droit d’avoir de la peine. Elle m’a surtout rappelé que je méritais tout l’amour que l’on me démontrait. Ça m’a fait du bien », précise-t-il. Pour lui, le simple fait d’accepter que ses amis l’aident à faire le train ou même à aller à ses rendez-vous à l’hôpital lui demandait un grand effort. « Quand on est producteur, on apprend souvent à s’arranger seul. Là, je ne pouvais plus tout faire moi-même », raconte-t-il.

Gabriel a dû commencer à déléguer et à prioriser. Par exemple, l’érablière sera reprise par des membres de sa famille. Il a décidé de ne plus s’en occuper. « Je vais leur montrer pendant un an comment ça marche et après ça, je les laisserai faire, car c’est trop d’ouvrage pour moi », ajoute-t-il. À présent, le jeune agriculteu­r est bien conscient que sa santé doit passer avant tout. Il a appris à se choisir et à accepter le fait qu’il ne pouvait pas tout faire seul. Il a privilégié son bienêtre en s’offrant des petits moments de plaisir, comme faire l’acquisitio­n du « quatre-roues » de ses rêves. « J’ai décidé de l’acheter plus tôt que prévu, probableme­nt parce que j’ai senti une urgence de vivre maintenant », dit-il en souriant.

L’histoire de Gabriel ramène à la fragilité de la vie. Personne n’a de contrôle absolu sur la santé, mais lorsque le corps envoie un message, il est bon de prendre le temps de l’écouter. Face à cette épreuve, Gabriel a choisi de se battre et de foncer. Il s’encourage à présent, car son médecin lui a annoncé la disparitio­n de sa tumeur. Tous n’ont pas cette chance, et il en est bien conscient.

« Quand on est producteur, on apprend souvent à s’arranger seul. Là, je ne pouvais plus tout faire moi-même. »

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