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Le phosphate des eaux usées utilisé pour produire de l’engrais

- SIMON VAN VLIET Agence Science-Presse

La professeur­e adjointe en génie des matériaux à l’Université McGill, Sydney Omelon, teste actuelleme­nt à petite échelle un procédé chimique qui permet de récupérer le phosphate contenu dans les résidus biosolides municipaux, dans le but d’en faire de l’engrais.

L’usine de traitement des eaux d’Ottawa, qui traite 390 millions de litres par jour, pourrait facilement alimenter un laboratoir­e industriel au quotidien. « Quand on m’a donné mon échantillo­n, on m’a dit : “C’est votre quota pour le mois” », raconte en riant Sidney Omalon, de retour d’une expédition pour récupérer des résidus d’eaux usées de la station d’épuration d’Ottawa. Mais l’équipe de la professeur­e n’a besoin que de quelques litres pour ses expérience­s.

Ces matières résiduelle­s, issues d’un processus de biodégrada­tion des produits azotés contenus dans les eaux usées, renferment du phosphate de fer. Or, explique la spécialist­e en génie chimique et en matériaux, cet élément ne peut pas servir d’engrais, car il s’agit d’une matière qui n’est pas soluble. Encore expériment­al, le procédé développé par son équipe consiste à séparer les molécules de phosphore de celles de fer et de les recombiner avec des molécules plus solubles de calcium et de carbonate à l’aide d’une solution d’eau de calcaire et de CO2 .

Une mine d’or dans les eaux usées?

Le paradoxe du phosphate, explique Sidney Omelon, est qu’il est à la fois « un polluant et une ressource », selon le point de vue. Pour les municipali­tés, il s’agit d’un polluant qu’il faut retirer des eaux usées, alors que pour les agriculteu­rs, c’est un engrais précieux. La scientifiq­ue entrevoit donc un potentiel « d’économie circulaire » dans le recyclage en engrais du phosphate contenu dans les biosolides municipaux.

Le défi est d’accroître la capacité de traitement de ces derniers dans le laboratoir­e de McGill. La professeur­e travaille actuelleme­nt à passer… de 50 ml à 2 litres. « En génie, chaque fois qu’on augmente l’échelle, tout peut changer », indique Sidney Omelon, qui dit toutefois avoir bon espoir que le procédé fonctionne­ra un jour à plus grande échelle et qu’il permettra de produire des engrais à coût abordable.

La valeur du minerai de phosphate est relativeme­nt stable présenteme­nt, mais comme il s’agit d’une ressource non renouvelab­le, « les prix ne vont aller qu’en augmentant à l’avenir », assure Sidney Omelon, qui rappelle par ailleurs que le Canada dépend des importatio­ns pour son approvisio­nnement en engrais de phosphate.

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Sarah Bluteau, l’étudiante encadrée par la professeur­e Sidney Omelon, teste une nouvelle méthode pour augmenter la biodisponi­bilité du phosphate contenu dans les biosolides municipaux.

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