Du libre-service caprin
En ouvrant un kiosque libre-service à sa ferme d’élevage de chèvres, Jean-Philippe Jolin encourage assurément l’achat local. Mais il tente aussi et surtout de défier l’instabilité qui sévit dans l’industrie laitière caprine.
Le copropriétaire de la Ferme Caprijol, située à Saint-Gervais dans Chaudière-Appalaches, a décidé de tenir un kiosque au début de l’été. Les clients viennent s’approvisionner en cheddar de chèvre produit à la Fromagerie du Terroir de Bellechasse ou encore en pots de caramel au lait de chèvre des Douceurs Caprines, une autre entreprise de la région. Ils déposent leur argent dans une petite caisse et repartent, sous le regard des charmantes bêtes qui se promènent sur le toit gazonné de l’installation.
Si ce concept original de vente autonome répond à une tendance du marché, où les millénariaux cherchent de plus en plus à consommer des produits locaux, cela témoignage aussi des inquiétudes de l’éleveur face à l’avenir. À ce jour, les Producteurs de lait de chèvre du Québec (PLCQ) ne se sont toujours pas entendus avec leurs principaux acheteurs depuis qu’ils ont répondu à leurs nouvelles exigences concernant la qualité du lait (voir l’encadré du bas), sans compter la baisse de prix à laquelle les éleveurs ont consenti l’an dernier.
« Pour une ferme comme la mienne, ça prend une usine qui achète de gros volumes. […] Le marché est instable. On n’est pas à l’abri d’un renversement de la production », estime M. Jolin, qui produit 700 000 litres de lait par année pour Saputo. Il craint entre autres « la menace » de l’Ontario, où il y a un surplus de lait de chèvre offert à bas prix aux transformateurs d’ici.
Dans ce contexte, le kiosque lui donne donc une certaine garantie, en plus de revenus additionnels d’environ 1 000 $ par semaine. « C’est sûr qu’on ne pourra pas transformer tout notre lait [à la fromagerie du village], mais on a entamé quelque chose », dit-il avec fierté.
Depuis le début de l’année, six éleveurs ont quitté la production, selon les PLCQ. D’autres se sont tournés vers le Vermont pour exporter la totalité de leur lait de chèvre, comme en témoignait La Terre en juin.