La Terre de chez nous

La réalité de l'élevage bovin nordique

- ÉMÉLIE RIVARD-BOUDREAU Correspond­ante régionale redaction@ laterre.ca

Là où leur arrière-grand-père avait défriché la terre en 1940, cinq jeunes producteur­s font perdurer l’agricultur­e au nord du 49e parallèle. L’exploit n’est pas sans défis. Mais grâce à leur passion et à leur créativité, ils réussissen­t à faire vivre deux fermes bovines.

VAL-PARADIS — Être un agriculteu­r nordique comporte des défis complèteme­nt différents de ceux qu’ont à vivre les producteur­s du sud du Québec, et même ceux du reste de l’Abitibi. Le climat, l’absence de voisins et de certains services, le prix que l’on tire de la vente de ses animaux et l’attrait de l’exploitati­on minière et forestière en sont quelques exemples. « Parfois, je me sens comme dans un autre pays », confie Alexis Fortin, à la tête de la Ferme Fortin & Farrell, dans laquelle il est associé avec son frère Samuel, son père Fabien et sa mère Carole.

Au fond d’un rang de Val-Paradis, ils élèvent 140 vaches bovines sans hormones ni antibiotiq­ues, dont une cinquantai­ne d’Angus noires pur sang. Tant pour la qualité de la viande que pour le prix qu’il en tire, Alexis Fortin a eu la piqûre pour cette race. « Souvent, ici, on avait 0,20 $ de moins que tout le monde à cause du transport, explique-t-il. Aujourd’hui, je peux dire qu’on a un prix comparable à celui qui est alloué dans le sud du Québec, parfois même un peu plus », affirme-t-il.

Depuis trois ans, grâce au programme canadien de boeuf Meyer Natural Angus, la Ferme Fortin & Farrell réussit à pallier les inconvénie­nts de son éloignemen­t. Elle respecte un cahier des charges strict et négocie elle-même son prix. « Il faut que je sorte mon anglais et c’est un peu plus de gestion, mais ça vaut la peine », considère Alexis. D’ailleurs, la chaîne de restaurant­s A&W achète ce type de boeuf haut de gamme, élevé naturellem­ent.

Plus de forêts que de champs

Pour assurer un revenu décent à tous ses associés, la Ferme Fortin & Farrell jumelle sa production agricole à l’exploitati­on forestière sur 1 300 acres de terres à bois. « On a plus de forêts qu’on a de champs », précise Alexis.

À quelques kilomètres de chez lui, à la Ferme Tourne-Sol, ses trois cousins Jean-Christoph, Gabriel et Raphaël Picard adoptent sensibleme­nt la même formule. Ils produisent aussi vaches et veaux sans hormones tout en effectuant des travaux forestiers et de déneigemen­t.

L’hiver, de décembre à mars, Gabriel s’occupe des vaches et des taureaux pendant que son frère aîné Jean-Christoph oeuvre en forêt. « On se fait engager avec nos machines par des groupement­s forestiers et des MRC. On met tout ça dans le compte de la ferme, et après, on se partage ça », explique Jean-Christoph.

Des vaches à protéger

À la Ferme Tourne-Sol, on se plaît à raconter que le troupeau « voit plus d’orignaux que de vaches ». À cause de cet isolement, les bêtes sont plus sensibles aux maladies, si bien qu’elles étaient atteintes de diarrhée chaque fois qu’un livreur d’animaux ou un vétérinair­e passait à la ferme. Les trois frères ont donc fini par bâtir des sites de chargement pour éviter la transmissi­on de maladies lors des livraisons.

L’éloignemen­t n’empêche pas les producteur­s nordiques d’être à la fine pointe de la technologi­e. En fait, les Picard prennent un malin plaisir à expériment­er de l’équipement. L’an passé, ils étaient les premiers en Amérique du Nord à acquérir un semoir de 6 m avec lequel ils font du sursemis. Les trois frères passionnés de machinerie ont aussi acheté cette année une faucheuse frontale pour faire les foins plus rapidement. Comme la saison est courte au nord du 49e parallèle, elle se doit d’être productive.

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 ??  ?? Jean-Christoph, Gabriel et Raphaël Picard, les trois frères débrouilla­rds qui sont propriétai­res de la Ferme Tourne-Sol avec leur mère.
Jean-Christoph, Gabriel et Raphaël Picard, les trois frères débrouilla­rds qui sont propriétai­res de la Ferme Tourne-Sol avec leur mère.
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Pour offrir une viande de qualité et obtenir un meilleur prix sur le marché, Alexis Fortin élève des vaches Angus noires pur sang.
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