Le défi des vacances
Le monde de l’agriculture a ses obligations qui compliquent la prise de vacances, particulièrement l’été. Certaines familles y arrivent pourtant, au prix de certains compromis.
« Les producteurs n’ont même plus le dimanche pour vraiment décrocher ».
– Nathalie Tanguay, coach en gestion d’entreprise et auteure du Manueldubonheurenagriculture.
Dans plusieurs familles d’agriculteurs, l’été surtout, la question n’est pas de savoir quelle sera la destination des vacances, mais plutôt… s’il y en aura.
La productrice laitière Sabrina Caron estime que les vacances sont essentielles. Et pour une des rares fois cette année, sa petite famille établie dans le Centre-du-Québec a décroché… de l’agriculture. Selon elle, le fait de prendre une période de repos a des effets on ne peut plus bénéfiques sur la santé mentale, personnelle et familiale et, indirectement, sur son entreprise qui performera davantage à son retour, croit-elle.
Durant huit jours en Californie cet été, la famille a rechargé ses batteries, découvert le Golden Gate Bridge de San Francisco et les séquoias géants du parc national de Yosemite. « C’est important de décrocher. Ça nous a apporté du temps de qualité, ça nous a fait réaliser que c’est différent ailleurs et que l’anglais, c’est important de l’apprendre », a expliqué Mme Caron.
Faire le choix
La famille n’aurait pu profiter de ce voyage si elle n’avait pas planifié son départ de la ferme. « Il y a des décisions à prendre en conséquence. Ce n’est pas facile, mais ça se fait », dit-elle. Le couple travaille deux fois plus qu’à l’habitude les semaines précédant le voyage et suivant son retour. Il fait aussi appel à un stagiaire d’expérience de l’Institut de technologie agroalimentaire pour s’occuper de la gestion du troupeau en son absence et le reste des activités est géré par le père de Mme Caron. Un pari qui en vaut la chandelle, assure-t-elle.
Pas facile
Pour d’autres, c’est plus ardu. Éric Houle, producteur laitier de Warwick, dans le Centre-du-Québec, en témoigne.
« Ce n’est pas parce qu’on n’en a pas besoin, surtout avec un début de saison stressant comme ç’a été le cas avec les semis cette année, dit-il. Mais c’est difficile de penser aux vacances dans des situations pareilles. »
Il tient néanmoins à inscrire un temps de repos à son calendrier annuel. Mais pas l’été… Son fils et partenaire d’affaires fait de même.
Les choses changent
« Les producteurs ont toujours été de grands travailleurs. Ç’a toujours été avec le travail qu’ils se valorisaient, pas avec les vacances, mentionne la psychologue spécialisée en agriculture Pierrette Desrosiers. Mais les jeunes sont plus conscients de l’importance de prendre un temps de repos pour une vie équilibrée. »
Elle constate que les producteurs de lait et de porcs sont particulièrement « malmenés » en raison des exigences reliées aux soins des animaux en plus du travail aux champs.
Autre constat, dit-elle : « Les fermes ont grossi, les producteurs embauchent du personnel et investissent dans la technologie en croyant avoir plus de temps pour eux. Certains y arrivent, d’autres me disent qu’ils ont l’impression de travailler encore plus. » La formation des employés et les machines qui brisent requièrent du temps.