Apprendre à conjuguer avec le verbe concilier
Une fenêtre sur le quotidien de jeunes de la relève agricole s’ouvre avec cette chronique. Désireux de valoriser leur métier, une dizaine d’entre eux prendront la plume à tour de rôle au cours des prochaines semaines.
En ce novembre enneigé plus tôt que d’habitude, je m’apprête à faire le bilan de la saison. Une saison pleine de défis d’une première grossesse et d’un accouchement. Un 17 août, plus précisément. C’était la saison des récoltes et je me suis rendu compte que les bébés poussaient vraiment dans les choux.
Je suis de cette relève qui reprend racine. Comme dans la chanson, mon arrière-arrière-grand-père a défriché la terre et mon grand-père a travaillé dans la construction. Je suis une Massicotte de la Mauricie transplantée en Montérégie. Qui prend mari prend patrie et part en famille. Mais ça ne s’est pas fait tout de suite.
En fait, mon bébé, c’était mon entreprise maraîchère que je voulais mettre sur pied. Une ferme dont je suis la propriétaire. En tant que relève agricole féminine non apparentée, je fais partie d’une nouvelle espèce démographique. On sort du rang de la ferme familiale et de la gestion en couple.
Parler de mes difficultés d’être mère et entrepreneure me semble banal dans un journal où une chronique réservée aux agricultrices s’appelait Agrimom. Nous sommes agricultrices, nous sommes donc mères. Comme si ça allait de soi!
J’ai longtemps hésité à devenir mère, car j’avais peur de ne pas pouvoir y arriver avec mes responsabilités, et aussi parce que j’aime tellement ce que je fais que je n’avais pas envie de faire de compromis sur l’intensité avec laquelle je pouvais me réaliser dans le travail.
Mon histoire de relève est celle de quelqu’un qui a un jour rêvé de faire de l’agriculture son métier et qui a fait en sorte d’y arriver. Maintenant, « concilier » est devenu le verbe avec lequel je dois conjuguer. Comme toutes les autres.
Le rapport du Conseil du statut de la femme, Agricultrices : l’entrepreneuriat agricole se conjugue au féminin et au présent, rend compte de cette réalité. Prenez un peu de temps pour le lire, car c’est bien beau vouloir prendre sa place, encore faut-il que nous puissions avoir le temps de la prendre.