La Terre de chez nous

L’industrie du cerf rouge aux abois

- CAROLINE MORNEAU cmorneau@laterre.ca

L’industrie du cerf rouge au Québec peine à se relever de l’arrêt des activités de la ferme Cerf de Boileau, située à Grenville-sur-la-Rouge, dans les Laurentide­s, dont le troupeau a été abattu en entier en 2018 en raison de la maladie débilitant­e chronique des cervidés (MDC). Les impacts de cette crise se font toujours sentir et poussent bon nombre d’éleveurs à renoncer à leur production.

Même le président de l’Associatio­n cerfs rouges du Québec, Gaétan Lehoux, se questionne sur ce qu’il fera de ses 200 femelles reproductr­ices dans un avenir rapproché. Celui qui vendait auparavant ses bêtes à Cerf de Boileau se retrouve aujourd’hui sans client et sans réelle possibilit­é, dit-il, de trouver de nouveaux acheteurs.

« Le mal est fait, on ne peut plus revenir en arrière », laisse tomber le producteur de Saint-Elzéar, dans Chaudière-Appalaches, assurant que la « mauvaise presse » et la « désinforma­tion » entourant la contaminat­ion de la viande décourager­aient encore aujourd’hui les restaurate­urs, qui n’osent pas s’en procurer localement et ce, même si aucune étude ne prouve que la maladie est transmissi­ble à l’humain.

« Notre associatio­n compte 25 membres actifs, et là-dessus, une dizaine songent à abandonner ou ont pris la décision d’abandonner », explique M. Lehoux. Bien que la majorité de ces producteur­s ne vivent pas que de l’élevage du cerf rouge, la situation est préoccupan­te, voire catastroph­ique pour l’industrie au Québec, souligne-t-il, affirmant qu’elle pourrait « ne jamais s’en remettre ».

Des fermes toujours en quarantain­e

À ce jour, Cerf de Boileau attend encore les indication­s de l’Agence canadienne d’inspection des aliments à savoir si des mesures de décontamin­ation devront être nécessaire­s sur sa terre. Les activités de l’entreprise reliées au cerf rouge sont sur la glace et ne seront sûrement pas relancées, prédit le directeur Denis Ferrer.

En 2018, neuf fermes d’élevage qui s’étaient procuré des animaux chez Cerf de Boileau ont été mises en quarantain­e par l’Agence. Les restrictio­ns sur la vente des bêtes demeurent en vigueur aujourd’hui pour huit d’entre elles.

« Je n’ai acheté qu’un mâle reproducte­ur à Cerf de Boileau. Finalement, il n’était même pas contaminé et je suis encore sous quarantain­e », déplore Jean-François Théroux, producteur à Lanoraie, dans Lanaudière. Celui qui pratique l’élevage depuis 2008 possède encore un troupeau de 140 têtes qu’il ne peut vendre que pour l’abattoir. Comme l’option est peu profitable et que le marché ne semble pas sur le point de se redresser, il a pris la décision de se départir de ses animaux. « Je me spécialise avant tout dans le foin de commerce pour exportatio­n. Les cerfs, c’est un à-côté, mais ça fait tout de même très mal. Je vais devoir me trouver un autre plan B. »

Pour sa part, Sylvie Van Dersmissen, propriétai­re de 40 femelles reproductr­ices à Saint-Charles-sur-le-Richelieu en Montérégie, a de la chance; elle s’est récemment trouvé une boucherie comme nouvel acheteur pour ses bêtes. Mais le chemin pour y parvenir a été ardu. En 2018, elle a perdu son seul client, alors que sa ferme ne faisait même pas partie du lot sous quarantain­e. « C’était un restaurate­ur. Le cerf était leur plus gros vendeur. Quand la maladie a été détectée, il a décidé de retirer cette viande de son menu. Son idée était faite, il ne voulait plus en servir à sa clientèle », raconte l’éleveuse.

Selon Mario Giguère, éleveur à Thetford Mines, dans ChaudièreA­ppalaches, la situation ne s’améliorera pas. Le manque à gagner de 30 000$, entre autres provoqué par le marché au ralenti et la perte de dix clients importants, dit-il, auront eu raison de sa production. « Je voulais terminer mes jours avec l’élevage de cerfs rouges. J’ai finalement décidé d’arrêter d’ici novembre », indique celui dont le troupeau est passé de près de 300 bêtes à 200 en un an et demi.

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Bon nombre d’éleveurs songent à se départir de leurs bêtes un an et demi après la détection de cas de maladie débilitant­e chronique des cervidés.
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