La Terre de chez nous

Les ratés de l’échantillo­nnage en région

- ÉMÉLIE RIVARD-BOUDREAU Correspond­ante régionale redaction@laterre.ca

LORRAINVIL­LE – Les producteur­s laitiers de l’Abitibi-Témiscamin­gue en ont assez des mystères. Depuis quelques années, il manque de nombreux résultats sur leurs relevés de gras, protéines, lactose et cellules somatiques qui déterminen­t leur paiement. Quelques hypothèses circulent, mais aucune raison n’a encore été authentifi­ée..

Comme partout ailleurs au Québec, un camion passe trois fois par semaine à la Ferme Mondou & Robert de Lorrainvil­le, au Témiscamin­gue, pour récolter le lait et des échantillo­ns. Pour la majorité des fermes du Québec, l’échantillo­n se rendra au laboratoir­e de Lactanet, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en deux autres étapes. Au Témiscamin­gue, par contre, la réalité est tout autre. Après avoir été déposées dans le réfrigérat­eur de l’usine Parmalat de Laverlochè­re, les petites bouteilles seront trimbalées dans trois transports, soit le camion, l’avion et de nouveau le camion pour arriver au laboratoir­e 10 heures plus tard.

« On est une des rares régions au Québec où ça fonctionne comme ça, explique le producteur Michel Robert. Il y a beaucoup de ratés et ce n’est pas d’hier », témoigne celui qui, depuis un an, agit en tant qu’administra­teur pour les Producteur­s de lait de l’Abitibi-Témiscamin­gue. Ces « ratés » sont ces échantillo­ns qui ne sont pas recevables pour l’analyse chez Lactanet, entre autres parce qu’ils sont soit trop chauds, trop froids, gelés, trop ou pas assez remplis ou encore mal fermés.

Selon les données fournies par Lactanet aux Producteur­s de lait du Québec, 5,2 % des échantillo­ns en provenance de l’Abitibi-Témiscamin­gue en 2019 ne respectaie­nt pas les conditions requises pour être analysés, comparativ­ement à 3 % pour la moyenne provincial­e.

Par contre, les producteur­s de la région n’arrivent pas aux mêmes chiffres. En compilant les résultats de leurs huit entreprise­s pour la même année, ils arrivent plutôt à 10,8 %. « Pour les huit entreprise­s, il manquait 157 résultats. De ce total, 68 étaient justifiés par Lactanet, mais ce qui est plus inquiétant, c’est qu’il y en a 89 qui n’ont aucune justificat­ion. On ne sait pas pourquoi l’échantillo­n n’apparaît nulle part », évoque Michel Robert.

La copropriét­aire de la Ferme Carpentier & fils, de Lorrainvil­le, est également préoccupée par la situation. Comme sa ferme est reconnue pour produire le meilleur lait de la région, Andréanne Gauthier tient à obtenir les données les plus fiables que possible. « Pour moi, c’est de l’or blanc! Quand il me manque des résultats, il me manque un outil de travail et ça ne va pas sur la moyenne de ma paie », déplore-t-elle.

Des hypothèses

Plusieurs hypothèses non validées sont soulevées pour expliquer ce manque. L’une d’entre elles met en doute la rigueur du travail de certains camionneur­s de Transport Abitebec qui s’occupent de récolter les échantillo­ns. Ferment-ils adéquateme­nt les bouteilles d’échantillo­n? « Nous, on prend l’échantillo­n comme c’est supposé », répond le président Marc Loranger, qui admet néanmoins que deux de ses anciens employés pouvaient être moins rigoureux. « J’ai trois chauffeurs qui ramassent du lait. J’en ai deux qui ont lâché en novembre et je sais qu’eux allaient pas mal vite. Les chauffeurs que j’ai, il y vont “à la lettre” », affirme-t-il.

Du côté de Lactanet, les échantillo­ns rejetés doivent pourtant être systématiq­uement justifiés. « On doit absolument mettre un code si on le rejette. Ce n’est pas à la discrétion de l’analyste. On ne peut pas déroger de cette procédure-là, répond fermement Josée Bordeleau, directrice nationale des laboratoir­es pour Lactanet. Par contre, nous pouvons seulement analyser ce qu’on reçoit », nuance-t-elle, en faisant référence à ces résultats « absents » des relevés des producteur­s.

À la recherche de solutions

Mandaté par les producteur­s laitiers de sa région pour faire la lumière sur cet enjeu et pour trouver des solutions, Michel Robert c’est rendu dans le nord-est de l’Ontario, à proximité du Témiscamin­gue, pour comparer les pratiques. Il a constaté que « dans leur glacière, ils ont un mini- thermograp­he qui recueille la températur­e de la glacière toutes les 5 minutes, tout le long du trajet. On voit les fluctuatio­ns ». Ce système, selon lui, contribuer­ait à obtenir davantage d’informatio­n sur la cause précise du rejet d’un certain nombre d’échantillo­ns.

Michel Robert a aussi appris que le format des bouteilles ontarienne­s est différent. Une tige permet de sceller plus solidement les couvercles.

Le transporte­ur Marc Loranger connaît lui aussi ce modèle et il pense que l’adopter ferait une grosse différence. « Au Québec, les scellés, c’est vraiment de la m….! S’il fait froid un peu, il casse, et s’il casse, on ne peut pas le vider dans une autre bouteille », témoigne-t-il.

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En Ontario, une tige permet de sceller plus solidement les couvercles et un thermograp­he enregistre les fluctuatio­ns de températur­e à l’intérieur des glacières de transport.
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Michel Robert compile régulièrem­ent le nombre de résultats manquants dans ses analyses.
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