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Résistance à la colistine : première détection dans un élevage porcin canadien

- MOHAMED RHOUMA Université de Montréal PHILIPPE FRAVALO Université de Montréal CAROLINE DUCHAINE Université Laval CÉCILE CROST CRIPA-FRQNT, Université de Montréal

La colistine est considérée comme un antibiotiq­ue de dernier recours pour traiter certaines infections bactérienn­es multirésis­tantes chez les humains. Comme ce médicament a été utilisé un peu partout dans le monde en médecine humaine et dans des élevages, certaines bactéries porteuses de résistance ont émergé avant sa classifica­tion comme antibiotiq­ue de dernier recours.

Au Canada, la colistine ne doit pas être prescrite en médecine vétérinair­e, sauf dans de rares cas et en respectant certaines précaution­s. Des chercheurs ont repéré la présence de gènes mcr, qui confèrent l’aptitude à résister à la colistine, dans certaines bactéries ( E. coli) isolées de viande de boeuf ou de patients humains.

Or, une équipe québécoise, menant un projet en 2017 sur la possibilit­é de lien entre le bien-être animal et le microbiote (la flore bactérienn­e digestive) des porcs, a mis en évidence qu’un élevage commercial n’utilisant pas la colistine avait des porcs dont le microbiote contenait des gènes mcr-1 et mcr-2. L’étude n’indique pas si les gènes détectés étaient dans la même bactérie ou dans des espèces différente­s.

Sources possibles de contaminat­ion

L’étude ne détermine pas l’origine de la contaminat­ion des animaux. Les auteurs indiquent cependant plusieurs sources potentiell­es d’acquisitio­n des bactéries résistante­s :

À l’implantati­on du microbiote, dès la maternité.

Par l ’ i ngestion d’ a l i ments contaminés.

Par pression de sélection. Comme l’élevage porcin suivi dans le cadre de cette étude avait eu recours à d’autres antibiotiq­ues durant la période testée, dont la chlorotétr­acycline (en post-sevrage), il est possible que ces médicament­s aient favorisé une pression de sélection favorable aux bactéries portant les gènes mcr. En respirant l’air contaminé des bâtiments.

En effet, lors de travaux précédents sur l’exposition des éleveurs porcins aux contaminan­ts aérosols, l’équipe de Caroline Duchaine a découvert que 60 % des échantillo­ns d’air des bâtiments de porcs de finition au Canada sont positifs pour le gène mrc-1. De plus, la flore naso-pharyngée de certains travailleu­rs de l’industrie porcine contient ces gènes de résistance.

Au Canada, il existe un plan gouverneme­ntal reliant la médecine humaine et la médecine vétérinair­e pour la surveillan­ce de la résistance aux antibiotiq­ues. Il s’agit du Programme intégré canadien de surveillan­ce de la résistance aux antimicrob­iens (PICRA), qui teste les profils de résistance de certaines bactéries provenant des fermes porcines, soit E. coli et Salmonella, mais pas ceux de toutes les bactéries composant le microbiote de l’animal. Cela explique pourquoi le PICRA n’a pas fait cette détection dans les cas où les gènes n’étaient pas associés à ces deux bactéries.

Au sein de l’élevage testé, 11,4 % des porcs envoyés à l’abattoir portaient l’un des gènes mcr dans leur microbiote, ce qui peut constituer une menace de transmissi­on du gène de résistance à la colistine aux consommate­urs. Le risque d’exposition paraît plus élevé pour les éleveurs et les intervenan­ts porcins qui subissent une exposition aérosol ou qui sont en contact direct avec les selles.

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Une étude a détecté la présence du gène responsabl­e de la résistance à la colistine dans un élevage qui n’en utilise pas.

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