La Terre de chez nous

Une « charte des valeurs » pour l’entreprise agricole

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Il arrive un moment dans la vie d’un entreprene­ur où un bilan s’avère plus qu’essentiel. C’est ce qui est arrivé à Denis, un producteur porcin. Quand est venu le temps de « faire de la place » à ses deux garçons, il a choisi de s’asseoir avec eux pour discuter de leur vision de l’entreprise. Dans la jeune vingtaine, les fils de Denis ont dû se questionne­r et se projeter dans l’avenir pour répondre aux interrogat­ions de leur père.

« La ferme était trop petite pour tirer trois salaires. J’avais en plus la pression de mon conseiller financier d’avoir de plus grands bâtiments avec plus de truies pour continuer à vivre de mon métier », précise Denis. C’est ainsi qu’il a « convoqué » ses deux relèves à une rencontre « au sommet », dit-il à la blague. « Je voulais connaître leurs intentions, savoir où ils se voyaient par rapport à la ferme et s’ils avaient envie de faire équipe ensemble. » Denis connaissai­t des histoires où le processus de transfert avait déraillé en raison de l’élément humain qui n’avait pas été suffisamme­nt pris en compte. Il ne voulait pas que ça lui arrive.

Dans son questionne­ment, il était conseillé par une personne qu’il appelle son coach de vie et d’affaires. « C’est mon mentor pour les grandes décisions », confie-t-il. Ce dernier lui a fait comprendre l’importance d’avoir une charte des valeurs pour l’entreprise. Avec ces conseils en poche, Denis a préparé sa rencontre « au sommet ».

Les motivation­s

Ses garçons ont eu à réfléchir autant sur ce qui les motivait dans l’entreprise que sur ce qu’ils aimaient le moins. « Je voulais qu’ils réalisent que je n’étais pas éternel et que je ne pouvais et ne voulais pas être toujours derrière eux pour les backer », se rappelle-t-il. L’un de ses fils a pu nommer sa crainte de prendre la relève avec uniquement son frère. Il a précisé qu’il avait peur de se faire « marcher sur la tête ». « On s’est donné le droit de tout se dire, même les bouts plates », précise l’agriculteu­r, pour qui les valeurs familiales et l’honnêteté sont très importante­s. Ç’a parfois suscité de vives réactions, quelques jurons ont fusé, mais en somme, l’exercice a été positif pour les trois hommes.

« Lorsqu’on sait ce qui motive l’autre à faire telle ou telle chose, on comprend mieux ses réactions », ajoute le père de famille. L’exercice a consisté à nommer tant les valeurs personnell­es que les valeurs d’entreprise de chacun. Ils ont même réfléchi à l’avenir, à l’arrivée potentiell­e de conjointes. Avec une charte claire des valeurs d’entreprise, l’arrivée de ces nouvelles personnes risque moins de constituer une menace.

Faire un tel bilan a été bénéfique pour la simple et bonne raison qu’en affaires, il est nécessaire de savoir où l’on s’en va et de connaître le but à atteindre. Denis a été franc avec ses fils en leur mentionnan­t qu’il pensait se retirer progressiv­ement de l’entreprise, sans les abandonner, mais sans les couver non plus. Il est d’avis que l’exercice était essentiel tant pour leur relation de famille que pour leur lien d’affaires.

Heureuseme­nt, il n’y a pour l’instant aucun conflit majeur au sein de leur équipe. Denis compte bien maintenir cette ambiance positive, mais il sait que nul n’est à l’abri d’une querelle. La transparen­ce dont ils ont fait preuve jusqu’à maintenant devrait cependant constituer un bon terreau pour leur projet d’agrandisse­ment.

« Je voulais qu’ils réalisent que je n’étais pas éternel et que je ne pouvais et ne voulais pas être toujours derrière eux pour les backer. »

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