La Terre de chez nous

La maladie, une adversaire de taille à la ferme

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Dans n’importe quelle famille, le diagnostic d’une maladie physique entraînant des incapacité­s est difficile à accepter. En agricultur­e, une telle nouvelle rend la conciliati­on travailfam­ille encore plus complexe. Comment conjuguer ces deux sphères de vie? Comment ne pas abandonner alors que les obstacles sont bel et bien présents au quotidien? Voici le récit d’une mère de famille agricultri­ce, qui est aussi une grande battante.

Manon a étudié en production laitière. Elle a rencontré celui qui allait devenir son conjoint alors qu’elle n’avait que 19 ans. Ils sont ensemble depuis 23 ans. Il a pris la relève de la ferme familiale avec elle. « Nous avons passé par tout plein d’épreuves, surtout avec mes problèmes de santé des 10 dernières années », confie Manon. Elle raconte son histoire en espérant susciter l’espoir chez d’autres femmes, « des mamans et des agricultri­ces », tout comme elle.

Manon se confie néanmoins avec réserve. « Je ne veux pas faire pitié. Je ne veux pas non plus identifier ma maladie. Je veux juste vous parler du chemin que j’ai parcouru. » Lors des premiers signes de sa maladie, la productric­e a traversé une période très stressante, car les médecins ne trouvaient pas ce qu’elle avait. « On m’a donc orienté vers des psychologu­es et des psychiatre­s, mais j’avais réellement mal physiqueme­nt », souligne-t-elle. À l’époque, elle souffrait beaucoup, car il était difficile pour les médecins de la soulager, ne sachant pas exactement ce qu’elle avait.

Puis, un jour, il y en a un qui a véritablem­ent pris au sérieux sa douleur physique. « Enfin, un profession­nel de la santé me croyait et acceptait de m’aider. Enfin, j’avais un mot pour dire ce que j’avais », se souvient-elle. Après une opération s’est ensuivi un apaisement pour Manon et une acceptatio­n de la maladie.

Par contre, ce qu’elle a trouvé très dur, c’est de se faire demander par les gens plus vieux qu’elle : « Tu vas ressembler à quoi à mon âge? » Elle n’avait alors que 30 ans.

Adaptation du travail

À présent, chaque jour est différent. Elle a appris à gérer sa douleur et à adapter son travail à sa nouvelle réalité. « Pour ce qui est de la ferme, je continue d’y aller, mais de façon différente. J’ai des restrictio­ns. Je ne peux pas soulever de trop grandes charges, comme les poches de moulée. La traite est plus difficile aussi, car je ne peux pas me pencher très longtemps. » Pour pallier son retrait de certaines tâches, un employé fait la traite avec son conjoint. Ainsi, elle peut se concentrer sur celles qui sont moins physiques.

En période d’adversité, la solidité d’un couple est souvent mise à l’épreuve. Or, depuis les tout débuts de sa maladie, Manon peut compter sur l’appui inconditio­nnel de son conjoint. Un tel soutien est on ne peut plus bénéfique. « Dans les moments plus difficiles, mon conjoint m’a toujours encouragé à foncer et il m’a toujours appuyée. » Cette force du couple lui a permis de tenir le cap lors des tempêtes. Malgré la maladie et les difficulté­s, Manon a su garder sa passion de l’agricultur­e, sa famille unie et sa force d’avancer. Bien sûr, il y a eu des deuils à faire en raison de ses limitation­s physiques, mais le plus important, selon elle, est de se concentrer sur ce qui lui reste de beau dans la vie, et non sur ce qu’elle a perdu. « Tu vois la vie autrement et tu apprécies le moment présent », conclut Manon.

« Pour ce qui est de la ferme, je continue d’y aller, mais de façon différente. Je ne peux pas soulever de trop grandes charges, comme les poches de moulée. »

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