La Terre de chez nous

Terres agricoles : escales migratoire­s insoupçonn­ées

- SIMON VAN VLIET Agence Science-Presse

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie de l’Arctique à l’Université McGill, Kyle Elliott est un spécialist­e des oiseaux nordiques. Habitué à des voyages dans l’Arctique canadien où il étudie les oiseaux du Grand Nord, il a trouvé une espèce à observer tout près de son bureau situé au Campus Macdonald de McGill, à Montréal.

« On fait aussi des travaux ici, dans le sud du Québec », explique l’ornitholog­ue. Deux membres de son équipe de recherche ont en effet découvert que la grive à dos olive fait escale en bordure des terres agricoles de Sainte-Annede-Bellevue chaque année lors de son parcours migratoire, qui la mène de la forêt boréale du Québec jusqu’en Amérique centrale où elle passe l’hiver.

Des voyageurs discrets

La présence de ces passereaux, qui séjournent jusqu’à deux mois par année aux abords des terres de la vallée du SaintLaure­nt, passe largement inaperçue parce que ces petits oiseaux s’installent principale­ment dans les haies et les zones arborées en bordure des champs de soya et de maïs.

Les chercheurs de McGill n’ont réussi à les observer directemen­t qu’après en avoir capturé quelques-uns à l’aide de filets. En équipant ces oiseaux d’émetteurs radio, ils ont été en mesure de les suivre pour mieux comprendre ce qui les amenait à faire escale dans le sud du Québec.

« Ces oiseaux passent une bonne partie de leur vie ici », observe Kyle Elliot, qui explique que les grives profitent de la chaleur et de l’abondance de la fin de l’été pour faire bombance pendant la mue qui précède leur longue migration d’automne.

Une faune agricole invisible, mais importante

« Les champs agricoles sont très importants pour ces oiseaux, mais aussi pour d’autres espèces », note le chercheur. Des coyotes aux chauves-souris, en passant par les poissons, les amphibiens et les rongeurs, « beaucoup d’animaux » cohabitent avec l’agricultur­e, insiste Kyle Elliot, et ce, « même si on ne les voit pas ».

La grive à dos olive figure depuis 2013 sur la liste des espèces prioritair­es des Stratégies régionales de conservati­on des oiseaux du gouverneme­nt du Canada. L’expansion agricole et urbaine ainsi que l’exploitati­on forestière contribuen­t à la perte et à la dégradatio­n de son habitat, en particulie­r dans l’est du Canada et sur la côte ouest où les population­s sont en déclin.

Le scientifiq­ue estime qu’il nous incombe « une grande responsabi­lité » de prendre conscience des impacts des pratiques agricoles sur la faune afin de les atténuer autant que possible. « L’utilisatio­n de pesticides, ça ne va pas avoir un effet juste dans les champs », illustre-t-il, en soulignant, par exemple, que les oiseaux insectivor­es comme les grives qui se nourrissen­t aux abords des champs vont être exposés aux insecticid­es.

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Ana Morales, étudiante de maîtrise, avec une grive à dos olive à l’observatoi­re des oiseaux de Université McGill.

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