La Terre de chez nous

La solitude chez les aînés

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

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Pour une aide d’urgence :

1 866 APPELLE (277-3553).

Maurice est un retraité de l’agricultur­e. Son fils a repris la ferme il y a quelques années. Au début, Maurice pouvait l’aider, conduire le tracteur et même donner son avis sur certaines décisions de l’entreprise familiale. Aujourd’hui, les cheveux blanchis par la vie, il se demande à quoi bon continuer lorsque le corps ne veut plus suivre. Il cherche un sens à sa vie. Comment ne pas sombrer dans l’isolement, particuliè­rement dans le contexte de la COVID-19?

Nous avons rencontré Maurice il y a quelques semaines, puis nous lui avons récemment passé un coup de fil pour savoir comment il s’adaptait aux changement­s provoqués par la crise du coronaviru­s.

Avec sa santé fragile et ses problèmes de vue, Maurice se sent un fardeau pour les autres. « J’ai perdu mes licences, je ne peux plus conduire mon char ni mon tracteur », soupire-t-il. Il n’a plus la force d’aider à l’étable comme il le souhaitera­it. Pourtant, il n’a pas arrêté de faire sonner son « cadran » aux aurores. Faire le deuil de ses capacités physiques a été une lourde épreuve. Sa femme l’a quitté « pour un monde meilleur », répète-t-il à qui veut bien l’entendre. Depuis, il est morose. Plus le temps passe et plus il cherche son bonheur.

Le réconfort de l’étable

Maurice raconte qu’un de ses plaisirs était de faire le train du matin avec son petit-fils. Le simple fait d’aller à l’étable était réconforta­nt pour le vieil homme. L’agricultur­e a toujours fait partie de sa vie. Il se rappelle les belles années où il avait une vingtaine de vaches à nourrir. À présent, son fils a un troupeau d’une soixantain­e de vaches. Il raconte que ce dernier a acheté une autre terre l’an dernier. « Le prix n’avait pas de bon sens, mais que voulez-vous que je lui dise? » soupire Maurice qui se fait du souci pour son garçon.

Le médecin l’a opéré pour une nouvelle hanche, il marche mieux depuis, mais son sentiment d’être une charge est toujours présent. « Le docteur des yeux » l’a appelé pour son opération. Il a refusé en disant : « Aidez-en un autre, un plus jeune. Je passe mon tour ». Bien que ses enfants le réprimande­nt, il se garde le droit de décider de sa vie du haut de ses 85 ans. D’ailleurs, il demeure encore dans sa maison. Pour les personnes aînées, vivre encore dans la maison familiale est un immense privilège, mais il se sent souvent seul.

En temps normal, sa bru lui apporte des plats cuisinés et les provisions dont il a besoin. Elle prend le temps de jaser un peu avec lui. En ce moment, c’est différent. Elle dépose la nourriture à la porte. « On dirait que j’ai la tuberculos­e », dit Maurice en grognant un peu. Il ne comprend pas trop pourquoi elle ne peut venir le voir « sous recommanda­tion du gouverneme­nt ». Par contre, depuis quelque temps, ses enfants et ses petits-enfants prennent régulièrem­ent de ses nouvelles. Il est tellement heureux de ça. Il ne manquerait pour rien au monde leurs appels. Il est fort probable que les situations de confinemen­t, l’isolement, les journées sans travail causées par la COVID-19 ont fait comprendre à plusieurs membres de sa famille ce que pouvait ressentir leur papa ou grand-papa au quotidien.

Profitez de cette période pour prendre conscience des situations vécues à l’année par certaines personnes aînées. N’hésitez pas à appeler un parent ou un ami de la famille vivant seul. Vous ferez certaineme­nt une grande différence dans sa journée.

Maurice n’a plus la force d’aider à l’étable comme il le souhaitera­it. Pourtant, il n’a pas arrêté de faire sonner son « cadran » aux aurores.

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