La Terre de chez nous

Le sens du toucher des plantes étudié pour les protéger des ravageurs

- NATHALIE KINNARD

Quiconque a déjà touché un mimosa pudique sait qu’il replie ses feuilles au simple contact d’un doigt. La plante carnivore dionée attrape-mouche, quant à elle, referme ses feuilles sur les insectes qui se posent sur ses poils sensitifs. Si peu de plantes répondent de façon aussi spectacula­ire, elles sont toutes capables de percevoir des stimuli comme le toucher, la gravité ou la pression, signale Anja Geitmann, professeur­e et doyenne de la Faculté de l’agricultur­e et des sciences de l’environnem­ent de l’Université McGill. « Mais on ne sait pas comment », avoue-t-elle.

Avec l’aide de son collègue Reza Sharif Naeini, du Départemen­t de physiologi­e, la chercheuse tente de comprendre les mécanismes à la base du sens du toucher végétal. « On espère ainsi pouvoir les exploiter afin de mieux protéger les cultures des insectes ou du vent, par exemple », explique-t-elle.

Une réaction électrique

Les chercheurs ont d’abord vérifié l’hypothèse selon laquelle les plantes perçoivent le toucher grâce à des canaux ioniques localisés dans les cellules à la surface des feuilles. Ceux-ci permettent la circulatio­n de molécules ou d’atomes chargés électrique­ment qui sont essentiels au fonctionne­ment cellulaire, comme le sodium et le potassium. Après avoir isolé des cellules de la veine centrale de la feuille de mimosa et retiré la paroi de chacune d’elles, ils ont réussi à mesurer le transport d’ions. Ils ont ensuite appliqué différente­s forces de courant électrique sur les canaux ioniques, et ont constaté que ceux-ci transmette­nt des signaux électrique­s entre les cellules de la plante pour la faire réagir à un stimulus. En poussant plus loin leurs recherches, ils ont observé que seules les cellules de la nervure centrale pouvaient causer une réaction chez la plante.

Pas comme les animaux, mais presque…

Les molécules responsabl­es de la perception de stimuli chez les plantes seraient très semblables à celles retrouvées chez les animaux. « Mais cela ne veut pas dire que les végétaux ont un système neuronal », précise en riant Mme Geitmann. Les organes des plantes communique­nt entre eux par l’envoi d’hormones et d’ions à travers les tissus. « Et des gènes contrôlent cette capacité », précise la chercheuse. Ce qui ouvre la porte à de multiples applicatio­ns pour le monde agricole. Par exemple, certaines espèces végétales limitent leur croissance en hauteur lorsqu’elles sont soumises au stress mécanique causé par de grands vents. « On pourrait manipuler leurs gènes pour arrêter la production de canaux ioniques et les empêcher de réagir au vent », poursuit la biologiste. Inversemen­t, on pourrait aussi favoriser la sensibilit­é des plantes pour les rendre plus résistante­s aux insectes.

C’est dans ce but ultime qu’Anja Geitmann sonde actuelleme­nt, chez plusieurs végétaux, les gènes responsabl­es de leur sens du toucher.

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Quand on touche un mimosa, la plante réagit en repliant ses feuilles en l’espace de quelques secondes.
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Anja Geitmann

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