Le retour du lait fermier
Les consommateurs le redécouvrent avec bonheur. Les grandes chaînes d’alimentation aussi. Le lait en bouteille, façon artisanale, fait fureur!
Sept producteurs en témoignent.
Après le boom de l’industrie des fromages québécois, voilà qu’on assiste à la renaissance d’une ancienne filière : celle du lait fermier. Depuis peu de temps, sept producteurs laitiers embouteillent et vendent leur lait directement aux consommateurs. Une façon pour eux d’accroître les revenus et de profiter de l’engouement pour l’achat d’aliments locaux.
Les laiteries artisanales, autrefois présentes dans chaque village, renaissent ici et là, depuis peu, et l’on découvre avec surprise le grand intérêt des consommateurs pour ce marché.
« Quand on a commencé au printemps 2019, on se disait qu’on vendrait environ 300 bouteilles de notre lait par semaine. Mais il a fait fureur dès le début : on a rapidement monté nos ventes à entre 900 et 1000 bouteilles. Et contrairement à ce qu’on croyait, ce qui nous tire vers l’avant, ce n’est pas le fromage, mais nos ventes de lait et de yogourt. »
Avec enthousiasme, Évelyne Rancourt, copropriétaire de l’entreprise avec son conjoint Benoit Larochelle, raconte l’aventure qui a donné des ailes à la laiterie artisanale Boréalait, située en Abitibi. En un an, les ventes de leur petite laiterie ont surpassé du double le chiffre d’affaires de leur ferme laitière de 48 vaches. « On a dépassé le cap du demi-million [de revenu brut pour la laiterie]. C’est une belle évolution! Ce que j’adore aussi, c’est vendre nos produits laitiers directement aux consommateurs; ça me permet d’expliquer et de valoriser la profession », dit-elle.
L’éleveuse de la Montérégie Caroline Pelletier, elle, effectue des ventes directes depuis un peu plus d’un an. Il s’agit d’un rêve pour elle de partager avec la population le lait « au goût exceptionnel et unique », de son petit troupeau de vaches Jersey.
L’éclosion
Au Centre d’expertise fromagère du Québec, la conseillère Louise Lefebvre remarque de son côté un intérêt réel pour la production artisanale de produits laitiers. « Nous venons d’accompagner des fermes qui commercialisent leur lait et d’autres sont présentement en démarche pour le faire», explique celle qui accompagnait traditionnellement les producteurs pour le développement de fromage seulement. Elle explique d’ailleurs que des fermes laitières préfèrent s’orienter vers la production de produits ultra frais comme le lait et le yogourt, qui seront moins susceptibles de subir la compétition des entreprises européennes, comme c’est le cas avec les fromages. « Certains producteurs me disent que le business des fromages fins commence à être saturé au Québec, contrairement à celui des produits de la laiterie, qui débute », ajoute Mme Lefebvre.
Pour sa part, Charles Langlois, directeur du Conseil des industriels laitiers du Québec, estime que les volumes vendus par les laiteries fermières demeureront marginaux, c’est-à-dire moins de 1% des 3,3 milliards de litres produits par tous les producteurs laitiers québécois. Mais les astres s’alignent, selon lui, pour que d’autres fermes désirant embouteiller leur propre lait voient le jour. « Ce qui explique l’éclosion de ce créneau, c’est qu’il y a des consommateurs pour qui l’aspect local et terroir devient le plus important critère d’achat. Les laiteries artisanales viennent répondre à ce besoin. De plus, elles ont la sympathie du public et amènent une belle image à l’industrie », analyse M. Langlois.
En créant leur propre marché pour leur lait, ces fermes pourraient obtenir un avantage stratégique advenant une diminution du prix mondial du lait et advenant un affaiblissement du système de la gestion de l’offre, souligne M. Langlois.
Dans le passé, les normes de salubrité et l’interdiction de vendre du lait cru ont eu raison des laiteries artisanales, mais voilà qu’elles s’équipent pour pasteuriser leur lait.