Quand la ferme devient synonyme de violence
À toujours être dévalorisée, il lui était également difficile d’envisager s’en sortir seule.
Louise* a vécu des décennies de violence de la part de son conjoint et de son beau-père. Elle a beaucoup cheminé au cours des dernières années. Elle vit maintenant seule. Ses enfants sont adultes et bien établis, une grande fierté pour elle. Elle n’a plus peur de Richard, mais elle ne se considère pas « guérie » pour autant. Se rétablir de relations toxiques est un long processus. On ne reconstruit pas des décennies de destruction en quelques années. Pour diminuer le ressentiment qui aujourd’hui l’habite, elle a besoin que la violence qu’elle a subie soit connue et reconnue. Des organismes l’aident dans sa démarche. D’autres ressources sont aussi là pour aider d’autres « Louise » à pouvoir se sortir plus rapidement de la violence.
Tout d’abord, on entend trop souvent le jugement suivant : « Elle n’avait qu’à partir! » Comme si c’était simple. Louise explique pourquoi elle est restée à la ferme : « C’est à cause de la honte, la peur, les enfants, la grosse dette de la ferme, les menaces. » Elle ne parlait à personne de sa situation, car elle avait honte d’être ainsi traitée… et peur de ne pas être crue. À toujours être dévalorisée, il lui était également difficile d’envisager s’en sortir seule. C’est encore plus ardu de partir lorsqu’on n’est pas autonome financièrement. Elle avait peur que ses enfants souffrent de sa décision. Peur de ne pas pouvoir payer un loyer et subvenir correctement à leurs besoins. « Pendant ce temps-là, ajoute Louise, mon beau-père vivait dans sa maison, avec dépenses comprises, à cause d’un droit d’habitation à vie obtenu lors de la vente de la ferme! » Peur aussi des représailles... À la suite d’un appel de Louise à la police, Richard l’avait menacée : « Tu vas le regretter, tu m’as fait honte. »
L’importance du soutien
Être soutenue par son entourage peut donner l’impulsion nécessaire pour partir. Or, lorsque Louise s’est enfin ouverte sur sa situation de violence à sa mère, celle-ci lui a lancé : « J’veux rien savoir de tes ostis de problèmes ». Ç’a pris 30 ans à Louise pour se confier à une amie. Il a fallu les encouragements de cette dernière et ceux de ses anges (employées) pour que Louise prenne graduellement confiance en son potentiel. « Une chance que je les ai eues », dit-elle. Aux proches qui sont les premiers ou les premières à recevoir les confidences, à ceux ou celles qui sont témoins de gestes de violence, osez briser la loi du silence. Ne faites pas comme si vous n’aviez rien vu ou rien entendu.
Aucune personne ne devrait être violentée, rabaissée ou humiliée. Aucune personne ne devrait être prisonnière de la ferme ou de n’importe quel endroit. À celles qui vivent de la violence, vous avez droit de vivre une vie sans peur. Vous n’êtes pas seules. Il existe autour de vous ou dans votre communauté des personnes prêtes à vous écouter et à vous tendre la main pour des conseils ou de l’aide. Parler est libérateur. Des histoires avec une belle fin, il en existe. Des femmes qui ont émergé après avoir vécu les pires tempêtes, il y en a. Des organismes sont là pour vous. N’hésitez pas à faire appel à eux. Il y a toujours une oreille tendue pour vous au bout du fil.
Quant à Louise, elle n’est plus le souffre-douleur familial. Consciente à présent de ses capacités et de l’inadmissibilité de ce qu’elle a subi, elle attend que cette violence soit reconnue.
*Les prénoms de cette chronique ont été modifiés tout comme certains éléments du témoignage pour garantir l’anonymat de Louise.