Abattoirs : une voie semée d’embûches
Le Programme d’appui à la compétitivité des abattoirs régionaux favorise l’amélioration des infrastructures et l’augmentation de l’offre d’abattage. Mais la mise au monde d’un nouvel abattoir reste difficile.
Si l’idée d’avoir plus d’options d’abattage sous inspection provinciale au Québec semble alléchante pour les éleveurs, l’émergence de nouveaux abattoirs reste difficile. Et ceux qui opèrent déjà leur usine d’abattage doivent se montrer créatifs pour rentabiliser leurs activités.
Malgré l’engouement pour le Programme d’appui à la compétitivité des abattoirs régionaux (PACAR) du ministère de l’Agriculture, depuis 2017, un seul abattoir, de type provincial, a ouvert ses portes au Québec dans la dernière année. La voie vers la rentabilité, comme pour bon nombre d’abattoirs provinciaux, est semée d’embûches.
Depuis avril 2019, 17 demandeurs ont obtenu une subvention liée au PACAR afin d’entreprendre une étude de faisabilité pour des projets d’abattoirs. Douze abattoirs existants ont amélioré leurs infrastructures, quatre autres projets ont reçu une subvention pour augmenter leur offre d’abattage, mais l’Abattoir BL, en Estrie, est le seul nouvel établissement provincial à avoir vu le jour depuis un an. L’engouement est bien présent, soutient la conseillère en transformation des aliments pour les secteurs des viandes, volailles et oeufs de consommation au ministère de l’Agriculture (MAPAQ), Annie Tousignant, mais si plusieurs établissements ont une bonne santé financière, des facteurs tels que la rareté « criante » de la main-d’oeuvre qualifiée nuisent à la rentabilité de certains abattoirs.
Catherine Brodeur, vice-présidente aux études économiques du Groupe Agéco, une firme de consultants spécialisés en agriculture, ajoute que le roulement de personnel représente des coûts « incroyables » pour les abattoirs et leur fait perdre des contrats. « On sait qu’il y a beaucoup d’usines de transformation alimentaire, entre autres dans le secteur des viandes, qui ont restreint des projets d’investissements ou l’ajout d’un deuxième quart de travail par manque de main-d’oeuvre », dit-elle.
L’agroéconomiste de formation ajoute que les abattoirs sans salle de découpe sont obligés de se montrer compétitifs sur les prix. « Mais si tu décides de rajouter une salle de découpe, c’est un super gros investissement et tu as l’enjeu des ressources humaines qui vient aussi », souligne Catherine Brodeur.
Cette dernière reconnaît que les infrastructures des abattoirs provinciaux sont dispendieuses que, pour les rentabiliser, il faut un volume d’approvisionnement d’animaux régulier et constant. « Tu veux rouler le plus [d’animaux] possible dedans pour être capable de supporter tes coûts fixes sur un plus grand nombre de kilos. C’est le défi pour tout le monde en tout temps, mais quand tu dessers plusieurs clients avec des volumes qui ne sont pas constants et réguliers, c’est un défi », dit-elle.
« Une panoplie d’événements, relations d’affaires, conformité des installations, augmentation des exigences gouvernementales, enjeux de ressources humaines, peuvent plonger un abattoir en situation de difficulté financière. »
- Catherine Brodeur, Groupe Agéco