La Terre de chez nous

Fin de deux batailles judiciaire­s

- MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI mlaplante@ laterre.ca @MyriamLapl­anteE

La diversific­ation des activités agricoles ne se fait pas toujours sans heurts.

Elle peut parfois mener à des démêlés avec la justice ou encore avec la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Des producteur­s témoignent de leur combat.

Ils souhaitaie­nt fabriquer leur propre substrat de champignon­s ou continuer d’exploiter leur entrepôt d’oignons, mais se sont fait mettre des bâtons dans les roues par leur municipali­té ou le ministère de l’Environnem­ent du Québec. Diversifie­r ses activités peut s’avérer complexe, comme en témoignent des producteur­s à La Terre.

Si certains ont des démêlés auprès de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, d’autres se rendent carrément devant les tribunaux.

Après deux longues batailles juridiques, des producteur­s maraîchers ont récemment eu gain de cause devant les tribunaux. La diversific­ation de leurs activités de ferme et la définition d’un usage agricole étaient au coeur du litige.

En Montérégie, le refus de Saint-Rochde-Richelieu d’accorder le permis de constructi­on d’une usine de substrat à la champignon­nière Champag en 2017 a poussé le directeur général de l’entreprise, Agnesh Marsonia, à intenter une poursuite contre la municipali­té. Champag importe de l’Ontario le terreau dans lequel poussent ses champignon­s, ce qui lui occasionne des pertes de l’ordre de 20 %. Pour produire son propre substrat, l’entreprise a fait l’acquisitio­n en 2017 d’une terre agricole à Saint-Roch-deRichelie­u, non loin de la champignon­nière située à Verchères.

Si M. Marsonia a entamé une poursuite, c’est notamment parce qu’une correspond­ance non officielle de la Commission de protection du territoire agricole du Québec approuvait le projet. La municipali­té estimait toutefois que l’activité s’apparentai­t à un usage industriel et non agricole, explique l’avocat de Champag, Me Simon Letendre. Le procès en première instance s’est soldé par la victoire de la municipali­té en Cour supérieure.

En Cour d’appel, Me Letendre a argué que les champignon­s entamaient leur croissance dans le substrat durant 20 jours en Ontario avant d’être transporté­s à la champignon­nière de Verchères, ce qui en faisait une activité agricole. La Cour lui a donné raison en 2018.

Le 22 octobre dernier, la Cour suprême du Canada a mis fin à la bataille juridique en refusant d’entendre la cause. Cela a obligé la municipali­té à accorder un permis de constructi­on. Quatre années de combat judiciaire ont coûté 60 000 $ à Champag, qui cherche maintenant à obtenir l’aval du ministère de l’Environnem­ent pour amorcer la constructi­on de l’usine.

« J’aurais dû acheter le voisin »

À Saint-Patrice-de-Sherringto­n en Montérégie, c’est entre 150 000 $ et 175 000 $ que les 13 producteur­s propriétai­res d’Onipro ont déboursé dans la saga judiciaire qui les a opposés au ministère de l’Environnem­ent depuis 2016. « Avec le recul, j’aurais dû acheter le voisin [qui a porté plainte au ministère], ça aurait coûté moins cher », confie, mi-blagueur, mi-sérieux, le président-directeur général d’Onipro, Marc-André Van Winden.

Les faits remontent à 2010 alors qu’à la suite d’une plainte concernant le bruit généré par la ventilatio­n, le ministère oblige l’entreprise d’entreposag­e et d’emballage d’oignons à se doter d’un certificat d’autorisati­on pour continuer d’exploiter l’usine en activité depuis 1993. Malgré les efforts des producteur­s pour se conformer au niveau de bruit imposé par le certificat – représenta­nt des investisse­ments d’au moins 200 000 $ à l’usine, selon M. Van Winden – le ministère met l’entreprise à l’amende en 2016. « En contestant l’amende, on avait le bras pris dans la judiciaris­ation de notre dossier », dit-il. Devant la Cour supérieure, les producteur­s plaident que les pratiques de l’usine sont des activités agricoles et qu’elles sont conséquemm­ent exemptées de l’obligation de détenir un certificat d’autorisati­on.

La Cour donne raison à Onipro en 2018, en insistant sur le fait que les oignons sont récoltés, séchés, entreposés et emballés aux fins de distributi­on sans aucune transforma­tion de leur état naturel. En mars dernier, l’entreprise a eu officielle­ment gain de cause après que le ministère de l’Environnem­ent eut retiré sa poursuite en appel. Le certificat d’autorisati­on imposé par le ministère en 2010 a immédiatem­ent été révoqué.

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Les quatre années de combat judiciaire contre la municipali­té de Saint-Roch-de-Richelieu ont coûté 60 000 $ à la champignon­nière Champag, selon le directeur général Agnesh Marsolia.
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Marc-André Van Winden et les 12 autres producteur­s propriétai­res d’Onipro ont déboursé près de 175 000 $ en frais judiciaire­s dans le litige qui les a opposés au ministère de l’Environnem­ent du Québec.
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Me Simon Letendre
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