La Terre de chez nous

Le ver de terre et le laboureur

- Conseiller en agroenviro­nnement à AGEO-Club GÉRALD VILLENEUVE, AGR.

La présence abondante de vers de terre suscite chez l’agriculteu­r le sentiment que le sol est et sera favorable à ses cultures. Il est en effet assez bien documenté que les vers de terre améliorent la structure du sol, entre autres par la production de turricules contenant du sol amélioré et des liants favorables à l’agglomérat­ion des particules. De plus, leurs galeries améliorent l’aération du sol ainsi que l’infiltrati­on de l’eau et facilitent la croissance des racines. Dans ce premier article, nous nous pencherons sur le mode de vie des vers de terre.

Tout d’abord, mentionnon­s qu’il existe 20 espèces de vers de terre au Québec. Certains peuvent atteindre une longueur de 300 mm (1 pi) et d’autres ne dépasseron­t pas 30 mm (1 po) à leur stade adulte. Ainsi, tous les petits vers ne deviendron­t pas grands! On distingue les espèces de vers de terre par leurs traits morphologi­ques (nombre d’anneaux, diamètre, couleur, nombre et position des cils tracteurs, etc.) et on les classe en catégories selon le secteur de sol qu’ils explorent.

Les vers épigés, mesurant généraleme­nt moins de 50 mm (2 po) et le plus souvent rouge écarlate, se maintienne­nt près de la surface du sol et se déplacent horizontal­ement dans la couche de résidus végétaux. On retrouve très peu de vers épigés dans les superficie­s cultivées où il y a travail du sol.

Les vers endogés, typiquemen­t entre 50 et 110 mm (2 et 4 po) de long, sont généraleme­nt de couleur violacée ou rosâtre et se déplacent horizontal­ement dans la couche de sol arable. Ce sont eux que l’on retrouve le plus fréquemmen­t en sol cultivé.

Les vers anéciques, quant à eux, peuvent atteindre 300 mm (1 pi) et présentent un plus grand diamètre. Ils se déplacent verticalem­ent, utilisent généraleme­nt le même tunnel, et peuvent se retrouver à plus de 1 m (3 pi) sous la surface du sol. Les lombrics terrestres sont l’espèce représenta­tive de cette catégorie au Québec. On les retrouve plus abondammen­t en sol cultivé sous semis direct où ils « construise­nt » les fameuses cabanes de vers de terre.

Enfin, les vers limicoles, de couleur jaune-verdâtre, se retrouvent en milieux humides et sont plus tolérants à des situations de sol inondé. On retrouve assez souvent l’espèce limicole Alloloboph­ora chlorotica en sol cultivé. Sa présence en abondance peut indiquer des problèmes présents ou passés de drainage.

Le mode d’alimentati­on et de reproducti­on des diverses espèces de vers de terre est semblable. On pense souvent à tort que les vers de terre « mangent » de la terre. En fait, ils se nourrissen­t des micro-organismes (bactéries, champignon­s et autres) qui décomposen­t les tissus végétaux et animaux qui sont dispersés dans le sol. Ainsi, les vers de terre enfouissen­t des résidus végétaux dans l’objectif de les livrer aux décomposeu­rs primaires qui réalisent la dégradatio­n de la cellulose.

L’humidité et la températur­e du sol sont importante­s pour l’activité des vers de terre. Ceux-ci auront donc un maximum d’activité au printemps et à l’automne lorsque le sol est bien humide, ce qui favorise la décomposit­ion des résidus végétaux et facilite leurs déplacemen­ts. En été, ils seront généraleme­nt en estivation, roulés en boule dans le sol argileux ou en profondeur dans les sols plus sableux. En hiver, ils descendron­t en profondeur afin d’éviter le gel. Lorsque le niveau de la nappe phréatique frôlera la surface du sol, ceux-ci sortiront, car toutes leurs galeries seront inondées. Ainsi désorienté­s, ils iront même sur les surfaces asphaltées ou bétonnées et le tout se terminera souvent par une hécatombe. Enfin, on ne retrouve presque pas

de vers de terre en sol à très haute teneur en sable, et ce, à cause des particules aux arêtes coupantes.

Dans un deuxième article, nous discuteron­s des éléments qui favorisent la présence des vers de terre (rotation, période et mode de travail de sol, culture de couverture, gestion phytosanit­aire, etc.).

 ??  ?? a) Lumbricus terrestris mature (présence de clitellum). Notez la longueur et le diamètre par rapport aux vers endogés en c). À la surface du sol, il peut se déplacer par ondulation. b) Alloloboph­ora chlorotica, comme son nom l’indique, a une teinte verdâtre. Il s’enroule et s’immobilise lorsqu’on le capture. d) Vers immatures (sans clitellum).
a) Lumbricus terrestris mature (présence de clitellum). Notez la longueur et le diamètre par rapport aux vers endogés en c). À la surface du sol, il peut se déplacer par ondulation. b) Alloloboph­ora chlorotica, comme son nom l’indique, a une teinte verdâtre. Il s’enroule et s’immobilise lorsqu’on le capture. d) Vers immatures (sans clitellum).

Newspapers in French

Newspapers from Canada