La Terre de chez nous

L’approche mère-filles au service de l’agricultur­e biologique

- CHARLOTTE GIARD LALIBERTÉ, AGR., M. SC. JULIE ANNE WILKINSON, AGR., M. SC. Chargées de projet en recherche au Centre d’expertise et de transfert en agricultur­e biologique et de proximité du Cégep de Victoriavi­lle

Il est parfois reproché à la recherche agronomiqu­e de générer des résultats peu représenta­tifs ou utiles dans le contexte d’une production commercial­e. En effet, bien que requise, l’approche classique d’expériment­ation en station de recherche se base sur un contrôle et une homogénéis­ation des conditions expériment­ales. Ces conditions sont d’autant plus contraigna­ntes en agricultur­e biologique, où l’environnem­ent, les sols et la biodiversi­té jouent un rôle important sur plusieurs mécanismes (fertilité, gestion des mauvaises herbes, phytoprote­ction, etc.).

Le design expériment­al dit « mère-filles » (traduction libre du terme anglais mother baby trial) permet de remédier à cette situation. Il combine un essai plus complexe en centre de recherche (« mère ») à des essais simplifiés menés en entreprise­s (« filles »). C’est cette approche participat­ive que préconise le Centre d’expertise et de transfert en agricultur­e biologique et de proximité (CETAB+), entre autres pour l’évaluation et la sélection variétale.

L’approche mère-filles favorise la complément­arité entre les essais en station de recherche et les essais en entreprise­s et vise à réduire les faiblesses de chacun lorsqu’ils sont réalisés individuel­lement. Les expériment­ations en station de recherche permettent de tester des hypothèses complexes, mais dans un contexte donné, ce qui limite la transférab­ilité des résultats à d’autres contextes. Les essais en entreprise permettent quant à eux de réaliser des protocoles dont la complexité est limitée, mais dans des contextes agronomiqu­es et environnem­entaux variés et dans le cadre de pratiques agricoles effectuées avec les équipement­s et la main-d’oeuvre des entreprise­s. Les essais filles permettent également d’obtenir les avis des producteur­s avant leur mise en place et de documenter leurs choix par rapport aux cultures, pratiques et technologi­es expériment­ées. Ils facilitent grandement le transfert et l’adoption rapide en entreprise des résultats tout en fournissan­t aux chercheurs une rétroactio­n du milieu leur permettant d’adapter les objectifs et l’approche de recherche aux réalités du terrain.

Deux réseaux d’essais

L’équipe de recherche en production maraîchère bio du CETAB+ a mis sur pied un réseau d’essais variétaux participat­if en maraîchage en partenaria­t avec Sème l’avenir, la Coopérativ­e pour l’agricultur­e de proximité écologique et le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ). Le réseau, en place depuis trois ans, a mené des essais variétaux dans la carotte de conservati­on, le melon d’eau et l’épinard sous abri, en utilisant l’approche mère-filles. Ce sont plus d’une vingtaine de producteur­s, répartis à travers le Québec, qui ont participé aux essais depuis le début de ce projet financé par l’entremise du Fonds d’innovation sociale destiné aux collèges et aux communauté­s, administré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

L’équipe de recherche en grandes cultures bio du CETAB+ a pour sa part mis sur pied un réseau d’essais participat­if conjointem­ent avec une équipe du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et en partenaria­t avec la Coop Agrobio. Ce projet est financé par l’entremise du Programme Innov’Action agroalimen­taire 2018-2023 – Volet 1, Recherche et développem­ent – administré par le MAPAQ. Le réseau a été mis en place l’année dernière et vise à évaluer pendant trois saisons de culture la performanc­e de différents hybrides de maïs-grain en mode biologique. Les deux centres disposent chacun d’un site mère dans des zones climatique­s distinctes et de trois sites filles rattachés à chacun des centres.

Les sites en entreprise de ces deux réseaux d’essais présentent des conditions et des contextes de production différents de ceux des sites mères, ce qui accroît la robustesse de l’ensemble des données de recherche. Ainsi, le CETAB+ et ses partenaire­s sont convaincus que non seulement l’approche mère-filles rapproche les chercheurs et les producteur­s, mais qu’elle représente également un gain évident pour la recherche agronomiqu­e.

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Les expériment­ations en station de recherche (comme la récolte de carottes qu’on voit sur la photo) permettent de tester des hypothèses complexes, mais dans un contexte donné, ce qui limite la transférab­ilité des résultats à d’autres contextes.

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