La Terre de chez nous

Ça va aller, mais ça ne va plus

- MYRIAM LACHANCE Travailleu­se de rang pour Au coeur des familles agricoles dans la Capitale-Nationale

Son employé étant sérieuseme­nt blessé, Michel est seul dans sa ferme et le travail s’accumule. Quand je lui demande si je peux l’aider, il sourit. « Ça va aller », qu’il répond. Comme agriculteu­r, il est habitué aux périodes difficiles. Il sait que les saisons passent, que le beau temps revient. Il a appris à faire confiance aux lendemains. Parfois cependant, les bouttes toughs s’installent, s’accumulent. Pis d’un boutte tough à un autre, le corps s’use, l’énergie aussi. Jusqu’à ne plus voir comment s’en sortir. Comment faire pour savoir quand réagir? Pour reconnaîtr­e que c’est rendu trop?

Chaque personne étant différente, il n’y a pas de réponse unique à cette question. Chacun a sa propre tolérance, ses propres limites. Toutefois, ce qui peut aider, c’est de s’observer. Comment est-ce que je vais aujourd’hui? Est-ce que j’ai bien dormi? Est-ce que j’ai de l’appétit? Est-ce que j’arrive à me concentrer? Est-ce que je suis patient ou frustré et facilement irrité? Est-ce que je me sens en contrôle ou est-ce que dès le réveil, j’anticipe la journée avec inquiétude?

On peut aussi analyser notre fonctionne­ment dans la vie de tous les jours. Est-ce que j’arrive à tout faire, ou je ne fais qu’éteindre des feux, gérer des urgences? Est-ce que mes animaux sont bien soignés, ou est-ce que je tourne parfois les coins ronds? Comment vont mes relations (de couple, avec les enfants, les amis…)? Sontelles satisfaisa­ntes ou irritantes et conflictue­lles?

L’idée est simplement de faire des constats, sans se juger.

En cas de surcharge

En équilibre, notre état physique et mental est positif. On se sent calme et en contrôle. Nos activités nous plaisent, on ne se sent pas surchargé. Il se peut que certaines périodes soient plus intenses et nous fatiguent davantage. On peut alors « donner un coup » et revenir ensuite à notre vie normale. Cependant, si la fatigue (physique et mentale) ne passe jamais, c’est un signe qu’il y a peut-être surcharge. Le corps n’arrive pas à récupérer. Cela peut s’accompagne­r de maux de tête, de pertes d’appétit, d’insomnie, de tensions musculaire­s. S’ajoutent parfois l’irritabili­té, des difficulté­s de concentrat­ion, des oublis, des sautes d’humeur. On peut alors tenter de compenser le manque d’énergie par plus de café, de malbouffe. De calmer l’anxiété par des médicament­s, de l’alcool. On peut avoir tendance à s’isoler. L’inquiétude embarque, les rumination­s et les doutes aussi; comment les autres y arriventil­s? Est-ce que ça va finir par finir? Est-ce que ma conjointe va se tanner et me quitter? Est-ce que je vais faire faillite et tout perdre?

D’une mauvaise journée à une autre, le corps puise dans ses réserves. La tête aussi. Les deux sont de magnifique­s machines capables de nous donner énormément; seulement, il faut aussi pouvoir les nourrir de façon adéquate. Quand ce qu’on donne à manger au corps et à l’esprit est pauvre (stress, fatigue, surcharge, mauvaise bouffe, alcool, solitude, inquiétude­s, etc.), il leur est difficile de se déployer à leur plein potentiel. Par contre, si on donne de bons intrants (travail qui a un sens pour soi et qui rend heureux, charge de travail acceptable, sentiment de satisfacti­on et de compétence, congés occasionne­ls, relations satisfaisa­ntes, loisirs en dehors du travail, etc.), on a accès à un équilibre qui permet au corps et à l’esprit de mieux fonctionne­r.

Cela dit, quand faut-il donc intervenir? J’ai envie de répondre : aussitôt que vous vous posez la question! Soyez prévoyant; ne permettez pas à votre corps de vider ses réserves; il vous en remerciera toujours. De la même façon, votre tête peut supporter des inquiétude­s quelques jours, mais une charge mentale prolongée aura des impacts importants sur votre quotidien, votre fonctionne­ment et vos relations. Agir rapidement pour y remédier sera toujours gagnant.

Dans le doute, vous pouvez appeler un travailleu­r de rang. Nous pourrons vous aider à y voir plus clair, à trouver des solutions. Parce qu’on ne veut jamais que beaucoup devienne trop.

« D’un boutte tough à un autre, le corps s’use, l’énergie aussi. Jusqu’à ne plus voir comment s’en sortir. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada