Le point sur la qualité du lait de part et d’autre de la frontière
Une mention faite dans l’édition du 16 juin de La Terre à l’effet que les normes de qualité du lait aux États-Unis seraient les mêmes qu’au Québec et au Canada a fait sourciller une productrice de Saint-Placide dans les Laurentides, Lise Beauchamp. « Il est faux de prétendre que les critères de qualité du lait sont les mêmes », s’insurge-t-elle, insistant sur le fait que les normes canadiennes sont « beaucoup plus sévères ».
L’ancienne agronome souligne que le seuil de concentration maximal permis en cellules somatiques à l’échelle nationale aux États-Unis est de 750 000/ml, alors que la norme au Canada est plutôt fixée à 400 000/ml. « Il ne faut pas généraliser. Il y a beaucoup de différences. Il y a des transformateurs américains qui acceptent du lait au-delà de 400 000 cellules somatiques, c’est sûr. Aussi, le système de détection des antibiotiques est plus sévère au Canada qu’aux États-Unis », a-t-elle fait valoir.
« En haut de 400 000 cellules somatiques, tu ne vends pas ton lait »
Vérifications faites, il est en effet difficile de comparer les normes de qualité du lait des États-Unis et du Canada sous toutes leurs formes, puisque de nombreuses nuances entrent en ligne de compte. Toutefois, plusieurs intervenants de l’industrie laitière américaine et québécoise interrogés par La Terre ont réfuté l’affirmation selon laquelle les normes canadiennes sont plus sévères.
« Il y a beaucoup de transformateurs aux États-Unis qui exigent des concentrations en dessous de 250 000 cellules somatiques et de 20 000 bactéries totales. Si tu dépasses ça, ton lait sera rejeté », témoigne Dan Huntley, producteur laitier à Canton, dans l’état de New York. Celui qui était auparavant acheteur de lait pour Kraft Foods explique que tous les producteurs américains sont membres d’une coopérative ou vendent leur lait à des usines de transformation. Dans les deux cas, ce sont les transformateurs qui établissent les cahiers des charges à suivre. « 750 000 cellules somatiques, c’est la norme très large établie par le gouvernement, mais je ne connais pas une seule usine qui accepterait ça, insiste-t-il. Si tu fais en haut de 400 000 cellules somatiques et 50 000 bactéries, tu ne vends pas ton lait. C’est considéré comme du mauvais lait. »
John Rutherford, dont l’entreprise achète du lait des producteurs et le revend à des transformateurs, soutient quant à lui que la majorité de ses clients exigent une concentration en dessous de 300 000 cellules somatiques et 20 000 bactéries totales. Les standards européens fixés à 400 000 cellules somatiques, ajoute-t-il par ailleurs, guident l’ensemble de l’industrie laitière aux États-Unis, car les entreprises ne peuvent pas y exporter de produits au-delà de ce seuil.
Le président de la Fromagerie Boivin, Luc Boivin, n’est pas non plus convaincu que les normes de qualité du lait au Canada soient plus strictes que celles des États-Unis. « Il faut faire attention. On a du lait de qualité, mais le lait américain est aussi de très grande qualité.
Les producteurs là-bas sont soumis à des exigences élevées », estime celui qui connaît plusieurs producteurs américains et qui se tient au fait de l’état des marchés là-bas.
Même son de cloche du côté de Roger Bergeron, de la Fromagerie Bergeron. « Quand j’entends que le lait américain n’est pas bon, je me dis : ‘‘Attendez là. De l’autre côté de la frontière, ils sont capables aussi. Le Canada fait quelque chose de bien, mais il faut arrêter de penser que c’est le meilleur au monde.’’ ».
Quant à Thérèse Beaulieu, conseillère principale de la gestion des enjeux pour les Producteurs laitiers du Canada (PLC), elle indique que les normes canadiennes sont « parmi les plus hautes » au monde. Elle cite en exemple le rigoureux programme ProAction qui intègre plusieurs volets pour la biosécurité, le bien-être animal et la traçabilité. « Mais je n’ai pas peur de dire que le lait américain est bon. […] », concède-t-elle.
Ces commentaires s’ajoutent à celui de Marcel Thiboutot, cité dans l’édition du 16 juin. L’expert en qualité du lait chez Lactanet avait indiqué qu’il s’agissait « d’une fausse croyance » d’affirmer que les normes de qualité du lait au Canada sont plus sévères qu’aux États-Unis.