La Terre de chez nous

La production sous filets : pour la réduction des pesticides et l’adaptation aux changement­s climatique­s

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GÉRALD CHOUINARD, AGR., PH. D.

Agronome-chercheur en production fruitière à l’Institut de recherche et de développem­ent en agroenviro­nnement (IRDA)

Peut-on sérieuseme­nt envisager de se passer de pesticides? Prenons comme exemple le carpocapse qui cause des ravages dans la pomme. Au Québec, une applicatio­n de néonicotin­oïdes coûte environ 100 $/ha, la confusion sexuelle environ 600 $/ha et l’acquisitio­n de filets d’exclusion plus de 30 000 $/ha (sans compter la pose, etc.). Pas réaliste? Pas si vite.

Même si le pesticide est le premier réflexe pour gérer les ravageurs, cela n’est pas sans effets collatérau­x. Aux États-Unis, une étude empirique de Levitan et coll. (1995) a établi globalemen­t les coûts sociétaux des pesticides à 1 020 $/ha par applicatio­n : c’est 10 fois le coût d’une applicatio­n de néonicotin­oïdes. Si deux à trois applicatio­ns sont nécessaire­s annuelleme­nt pour contrer le carpocapse, l’utilisatio­n des pesticides est en réalité quatre fois plus onéreuse que la confusion sexuelle.

Si une installati­on de filets est valable pour 10 ans au moins, que l’on double son coût pour tenir compte de la manipulati­on et de l’entretien et qu’on ajoute 30 % pour les imprévus, le coût annuel estimé pour les vergers est de 8 000 $/ha. Si les filets permettent d’éviter huit traitement­s ou plus par année, leur utilisatio­n est environnem­entalement ET économique­ment rentable pour la société. Depuis 10 ans, de quatre à cinq applicatio­ns d’insecticid­es et d’acaricides sont effectuées annuelleme­nt dans les vergers québécois.

Le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) appuie financière­ment ces alternativ­es. La confusion sexuelle est ainsi devenue en quelques années la méthode de lutte « classique » au carpocapse dans les situations où elle peut être utilisée au Québec, et il y a de quoi en être fier. La production sous filets bénéficie d’incitatifs financiers moins généreux. Pourtant, les filets protègent non seulement des insectes; ils préviennen­t aussi les dommages causés par les oiseaux, la grêle et divers dégâts mécaniques, en plus de réduire l’incidence de certaines maladies comme la tavelure. La production sous filets n’est donc pas une lubie de chercheurs, mais une véritable solution de rechange à la production convention­nelle.

Attention cependant : les installati­ons de filets peuvent souffrir en cas de vents violents. Les filets doivent également être ouverts pour permettre la pollinisat­ion par les abeilles. Plusieurs maladies et certains insectes peuvent malgré tout s’y développer. Par exemple, les spores de champignon­s et les bactéries, ainsi que les petits insectes comme les pucerons, peuvent passer à travers les mailles, même si en pratique d’autres facteurs peuvent avoir de plus grandes répercussi­ons sur leur nuisibilit­é sous filets.

Quelques conseils

Voici quelques conseils issus de la recherche faite dans les vergers du Québec : 1) l’utilisatio­n d’un cultivar résistant à la tavelure (ou très tolérant, comme la Honeycrisp) est recommandé­e; 2) les filets doivent être en place dès le débourreme­nt et fermés jusqu’à la récolte; 3) la grosseur des mailles du filet (1 mm x 2 mm ou 2,3 mm x 3,4 mm) doit être adaptée aux ravageurs à exclure, en favorisant toutefois les plus grandes mailles possible afin de laisser entrer les petits insectes prédateurs et parasites; 4) les filets doivent être rattachés au-dessus du sol pour couper le cycle vital des ravageurs; 5) un système permettant de relever et de rabaisser facilement et rapidement les filets est suggéré si de nombreuses rangées doivent être recouverte­s; 6) la possibilit­é de faire des pulvérisat­ions lorsque requis doit être prévue (par exemple pour des éléments nutritifs ou des agents de protection contre le feu bactérien).

Bien sûr, le soutien d’un conseiller pomicole est recommandé, de même que quelques lectures. Et n’oubliez pas de demander l’aide financière du MAPAQ.

Les filets protègent non seulement des insectes; ils préviennen­t aussi les dommages causés par les oiseaux, la grêle et divers dégâts mécaniques, en plus de réduire l’incidence de certaines maladies comme la tavelure.

 ??  ?? Pommiers protégés par des filets à insectes au verger expériment­al de l’IRDA au parc national du Mont-Saint-Bruno.
Pommiers protégés par des filets à insectes au verger expériment­al de l’IRDA au parc national du Mont-Saint-Bruno.

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