La Terre de chez nous

La tête à la ferme et le coeur à la maison

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Dans cette chronique, je m’adresse aux enfants s’occupant d’un parent malade et aux conjoints prenant soin de leur tendre moitié. Je veux parler aux producteur­s agricoles dont le quotidien s’est compliqué en voyant apparaître la perte d’autonomie et la maladie. Progressiv­ement ou brusquemen­t, vous devenez la personne-ressource pour veiller à la santé et au bien-être d’une personne aimée. Vous devez alors compenser les incapacité­s et les handicaps pour permettre à la personne de rester sécuritair­ement chez elle. Ainsi, vous réalisez que vous remplissez le rôle exigeant de proche aidant.

La réalité de proches aidants

Afin de mieux comprendre la réalité et les enjeux d’un proche aidant, deux producteur­s agricoles témoignent de leur vécu. D’abord, nous avons Eugène, 68 ans, producteur laitier possédant une vingtaine de vaches. Son petit troupeau lui convient très bien puisqu’il doit également prendre soin de sa conjointe. « Au début de 2020, ma conjointe a eu un diagnostic de cancer du poumon; ç’a été un choc. Ensuite, il y a eu l’opération, les rendez-vous à l’hôpital et au CLSC, la chimiothér­apie et toute le kit, comme on dit. » Présenteme­nt, la conjointe d’Eugène suit toujours des traitement­s et elle a perdu grandement de son autonomie. Eugène m’explique : « Elle est essoufflée à rien, juste faire trois-quatre pas devient un sport, donc imagine quand elle doit se faire à manger ou même se laver. Ça me fait de la peine et je fais de mon mieux pour l’aider, mais c’est difficile. » Notamment, Eugène prépare tout ce dont sa conjointe a besoin avant ses trains du matin et du soir. Entre ses tâches de la journée, il revient fréquemmen­t à la maison pour vérifier si elle a besoin de quelque chose. C’est un quotidien chargé pour lui : « J’ai toujours mon cellulaire sur moi. Si ma femme ne va pas bien, elle m’appelle. Quand je rentre à la maison, j’essaie qu’elle en fasse le moins possible. Par-dessus tout ça, il y a aussi les rendez-vous ici et là. J’ai la tête pleine pas mal. C’est toute une organisati­on; je n’étais pas habitué à faire ça. »

Pour sa part, Patricia est productric­e porcine et acéricole, puis elle s’occupe de sa mère atteinte de démence, possibleme­nt d’Alzheimer. Elle est confrontée à sa nouvelle réalité de proche aidante seulement depuis quelques mois. « Ma soeur et moi, on a remarqué que notre mère oubliait des choses, qu’elle était parfois confuse et plus anxieuse. On commençait à s’inquiéter pour sa sécurité. » Patricia héberge maintenant sa mère dans un logement adjacent à sa maison. « On a chacune notre espace, mais elle vient souvent manger avec nous. En plus, mes enfants la gardent active. Je suis moins inquiète ainsi, mais malgré tout, je sais que je suis en train de perdre ma maman à petit feu. » Pour le moment, Patricia arrive à concilier son entreprise, sa famille et son rôle de proche aidante, mais elle ressent plus de pression et d’anxiété qu’auparavant.

Attention à l’épuisement

Il est facile de comprendre que le quotidien n’est pas simple avec un proche malade; c’est inquiétant, anxiogène et énergivore. D’ailleurs, les proches aidants peuvent s’épuiser en raison de différents facteurs comme la pression de la part de la famille et celle qu’ils se mettent eux-mêmes, la culpabilit­é de prendre du repos, l’oubli de ses propres besoins et la réticence à demander de l’aide. Sachez que c’est normal de passer par une gamme d’émotions, d’être parfois impatient et découragé. Afin de prévenir l’épuisement, mettez vos limites auprès du proche et de votre famille, demandez de l’aide extérieure et accordez-vous des moments de répit. L’important, c’est de ne pas rester seul avec ce poids. Impliquez d’autres membres de votre famille et adressez-vous sans culpabilit­é aux ressources d’aide existantes (Info-Aidant et L’Appui).

ÉLISE GAGNÉ

Travailleu­se de rang pour Au coeur des familles agricoles en Montérégie

« J’ai toujours mon cellulaire sur moi. Si ma femme ne va pas bien, elle m’appelle. Quand je rentre à la maison, j’essaie qu’elle en fasse le moins possible. Par-dessus tout ça, il y a aussi les rendezvous ici et là. J’ai la tête pleine pas mal. »

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