Le gîte offert pour financer un projet agricole
Des agriculteurs offrent l’hébergement touristique à la ferme afin de diversifier leurs revenus. En plus d’assurer la viabilité de leur entreprise agricole, ce modèle d’affaires circulaire contribue au développement de l’agrotourisme au Québec.
Rêvant de devenir vignerons, Sophie Bélair-Hamel et Frédérick OuelletLacroix ont quitté Montréal en 2017 après avoir fait l’acquisition d’une propriété agricole d’un peu plus de 20 hectares à Saint-Ignace-de-Stanbridge, en Montérégie, pour y planter des vignes. « Au départ, c’était un projet bigénérationnel. La maison était assez grande pour être divisée en deux logements », raconte Sophie Bélair-Hamel. Le volet bigénérationnel du projet ayant avorté, le couple s’est retroussé les manches et a aménagé un gîte annexé à sa maison. L’objectif : offrir de l’hébergement viticole pour financer le vignoble en démarrage, dont les premières vendanges auront lieu à l’automne 2021.
Depuis l’ouverture en juin 2020, le gîte Les Soeurs Racines connaît un succès tel que Frédérick a pu quitter l’emploi qu’il occupait à l’extérieur en novembre dernier. « Ça nous a permis de dégager un salaire complet afin que je sois ici à temps plein », se réjouit le viticulteur. Ce dernier estime que la gestion et l’entretien du gîte occupent environ 30 % de son emploi du temps.
Il s’agit pour ces néoruraux ayant travaillé dans le monde de la restauration d’une source de financement idéale. Sans compter que ce modèle encore marginal au Québec séduit une clientèle touristique qui cherche à goûter à la vie agricole. C’est ce que constatent les hôtes trentenaires, heureux de partager leur coin de paradis avec les visiteurs. « Après 10 mois d’opération, notre agenda de location est rempli. Les gens cherchent cette expérience de proximité avec l’agriculteur », confirme Sophie Bélair-Hamel, qui assure également la direction générale de sa municipalité d’accueil.
Vitrine et fonds de roulement
Dans l’est de la province, près de Gaspé, Gérard Mathar, propriétaire du gîte agroforestier La Comptonie Voyageuse, privilégie cette formule depuis cinq ans déjà pour financer son entreprise familiale Gaspésie Sauvage, fondée en 2007. Il récolte une variété de plantes comestibles, champignons, fleurs, graines, algues et baies dans leurs milieux naturels et ses produits sauvages sont ensuite vendus frais, séchés ou transformés aux restaurateurs, épiciers ou particuliers.
Les activités de récolte s’étirent habituellement de la mi-avril à la mi-octobre, avec des périodes intensives pour certaines variétés. « Certains champignons poussent une dizaine de jours par an. Il faut faire tout le stock [annuel] pendant ces deux petites semaines », illustre M. Mathar, qui rémunère ses cueilleurs en fonction de leurs récoltes.
Après quelques saisons de glanage, l’idée de construire un gîte adjacent à l’atelier de transformation des produits forestiers pour alléger cette pression financière saisonnière s’est imposée d’elle-même. « Le gîte nous permet d’avoir un fonds de roulement pour l’année. Il permet aussi de faire connaître nos produits », résume M. Mathar.
En effet, le gîte offre une vitrine de choix sur la production agricole. «Quand les gens ont rencontré le producteur et vu ses activités, ils vont certainement acheter ses produits plutôt que d’autres », estime le cueilleur. Avant la pandémie, son gîte en forêt était surtout prisé par les touristes européens. « Maintenant, on a exclusivement des Québécois ou des néo-Québécois. Ils découvrent nos produits et peuvent ensuite les trouver près de chez eux », se réjouit M. Mathar.