La CPTAQ courbera-t-elle l’échine ?
En 2019, la Ville de Saint-Hyacinthe essuyait un refus à sa demande à la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) d’exclure 26 hectares de terres d’excellente qualité pour l’expansion d’un parc industriel. La MRC des Maskoutains reprenait ensuite cette demande, insistant sur la relocalisation et l’agrandissement de l’abattoir d’Exceldor de Saint-Damase. Une orientation préliminaire de refus était émise en juin 2020, rappelant les motifs du refus précédent.
La demande a ensuite été modifiée : la MRC se contenterait d’une autorisation pour un usage non agricole sur des terres restant en zone agricole. En juin dernier, la CPTAQ indiquait l’envisager sur 10 hectares en zone agricole.
Cette mouture de la demande est une entourloupette qui a tout du cheval de Troie. Exceldor prévoit agrandir encore l’abattoir dans l’avenir et Saint-Hyacinthe planche déjà sur d’autres projets industriels.
La couleuvre est grosse à avaler. Concrètement, l’impact déstructurant sur la zone agricole est équivalent, alors que des sites alternatifs existent pourtant dans la MRC, en Montérégie et dans le Centre-du-Québec.
En août 2020, le premier ministre avait critiqué la CPTAQ, une instance quasi judiciaire. Il suggérait que les élus locaux devraient avoir leur mot à dire pour un « dézonage », un retour en arrière de 40 ans, à l’ère des « maires développeurs », dilapidateurs de terres agricoles !
Quand le premier ministre exprime son mécontentement, on peut s’interroger sur l’indépendance de commissaires tiraillés entre leur devoir et leur carrière. Ce revirement de la CPTAQ illustre la fragilité d’institutions dont les membres sont nommés par le gouvernement. L’une des commissaires concernées a été renouvelée; l’autre est en attente…
L’entêtement d’Exceldor laisse songeur quant à sa vision corporative et à sa sensibilité au territoire agricole. Qu’une entreprise agroalimentaire, coopérative de surcroît, s’acharne à vouloir détruire de riches terres agricoles reflète une déconnexion de ses décideurs face aux actuels enjeux de société, comme l’autonomie alimentaire. Les membres producteurs adhèrent-ils vraiment à ce projet toujours farouchement combattu par la fédération régionale de l’UPA tandis qu’Exceldor réclame encore trois hectares additionnels? Espérons que la CPTAQ résistera aux tentatives de prédation de l’agrobusiness.
— Hélène Alarie, première femme agronome au Québec et ex-commissaire à la CPTAQ
— Jacques Landry, agronome, ex-directeur du Service de la protection du territoire agricole au MAPAQ lors de l’adoption de la LPTAA
— Simon Bégin, ex-attaché de presse du ministre Jean Garon
— Claire Binet, géographe et ex-analyste pour la CPTAQ, le MAPAQ, l’UPA et Agriculture Canada
— Hubert Lavallée, de Protec-Terre
— Voix citoyenne