La Terre de chez nous

Nostalgie d’un ancien boucher pour la viande chevaline

- PATRICIA BLACKBURN pblackburn@ laterre.ca

Arrivé au Québec en 1974 pour classifier les carcasses de chevaux destinés à la consommati­on en France, un ancien boucher d’origine française regarde avec nostalgie la diminution de l’intérêt pour la viande chevaline à travers les années.

Georges Lecompte, qui a été propriétai­re de plusieurs boucheries dans la région de Québec et de Montréal, voue encore une affection particuliè­re pour cette viande « maigre, riche en fer et meilleur marché que le boeuf », dit-il. « J’ai souvent servi la mère du joueur de hockey Jean Béliveau, parce qu’elle cherchait une viande nutritive et plus saine pour son fils », se remémore l’homme de 84 ans, qui s’est aujourd’hui reconverti dans la culture de canneberge­s.

Il r a c onte qu’au départ, les transforma­teurs français se sont intéressés au Québec parce qu’il s’y trouvait un très grand bassin de chevaux utilisés dans les champs par les agriculteu­rs. Lorsque ces chevaux n’étaient plus utiles, ils pouvaient être transformé­s et exportés en France pour la consommati­on.

« À cette époque, les Québécois étaient peu friands de cette viande et il était même interdit de la vendre dans les boucheries traditionn­elles », souligne le boucher, qui se réjouit d’avoir été l’un des premiers à ouvrir une boucherie hippophagi­que au Québec à la fin des années 1970, à Longueuil plus précisémen­t. Deux décennies plus tard, on en dénombrait une centaine dans la province.

Déclin et stabilisat­ion du marché

« Aujourd’hui, il ne reste que deux boucheries chevalines, à Saint-Jeansur-Richelieu et à Anjou [secteur de Montréal] », fait remarquer François Bouvry, directeur des ventes pour Viande Richelieu. L’entreprise de Massuevill­e, en Montérégie, est devenue à la fin des années 1990 le plus important transforma­teur de viande chevaline au Québec, avec une production se situant entre 20 et 30 tonnes de viande par semaine. Cette production est aujourd’hui de six à dix tonnes par semaine, rapporte M. Bouvry. Ce dernier explique la situation par une baisse d’intérêt pour cette viande par les nouvelles génération­s, mais également en raison de règles plus strictes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui ont progressiv­ement rendu l’approvisio­nnement en chevaux, la transforma­tion et l’exportatio­n de la viande « plus compliqués et moins rentables ».

Malgré tout, il estime que le marché, devenu plus niché, voire de luxe, résistera à la disparitio­n, notamment en raison « de la grande qualité de cette viande, encore recherchée par une certaine clientèle, dont les sportifs, les femmes enceintes ou les gens qui ont des problèmes cardiaques », précise-t-il. L’approvisio­nnement en chevaux reste toutefois un défi. M. Bouvry invite d’ailleurs les producteur­s agricoles qui possèdent des chevaux en fin de vie à contacter Viande Richelieu. « Nous pouvons leur faire un chèque et donner une deuxième vie plus noble [que l’euthanasie et l’équarrissa­ge] à leur animal », suggère-t-il.

 ?? ?? La viande chevaline a gagné en popularité au Québec dans les années 1980 jusqu’à la fin des années 1990, notamment parce qu’elle était maigre, riche en fer et plus abordable que le boeuf.
La viande chevaline a gagné en popularité au Québec dans les années 1980 jusqu’à la fin des années 1990, notamment parce qu’elle était maigre, riche en fer et plus abordable que le boeuf.
 ?? ?? Georges Lecomte
Georges Lecomte

Newspapers in French

Newspapers from Canada