Le point sur le combat du bois
Les producteurs de bois de la forêt privée, les acheteurs de bois (scieries) et certains grands propriétaires de lots boisés se livrent présentement une guerre de tranchées qui assombrit leurs relations tout en coûtant une fortune en frais d’avocats.
À la base du conflit se trouve la volonté des producteurs de trois régions de négocier collectivement le prix de leur bois destiné à l’industrie du sciage. Ils veulent un meilleur prix, et aussi gérer les livraisons de bois, ce qui ne plaît pas à des usines de sciage et à des entrepreneurs.
Au cours de la dernière année, les producteurs forestiers du Sud du Québec ainsi que de la Côte-du-Sud, secteur situé à l’est de Québec, ont vu leur demande respective de négocier collectivement la mise en marché du bois de sciage être refusée par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Elle a tranché en faveur des arguments des opposants dans le cas du Sud du Québec. Même s’il a été secoué par cette décision, le président du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec, André Roy, compte revenir à la charge devant la Régie. « Il y a énormément de producteurs indignés [de ne pas recevoir leur part de la hausse du prix du bois]. On a l’intention de régler ça cette année. La volonté des producteurs est là », affirme-t-il.
De son côté, le Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec avait réussi à faire approuver, en juillet dernier, un plan conjoint sur le bois de sciage par la Régie. Mais des opposants, dont quatre scieries, le contestent présentement devant la Régie. De plus, le directeur du Syndicat, Vincent Lévesque, rapporte de graves difficultés à faire accepter ce plan conjoint aux dirigeants de l’ensemble des scieries de sapins et d’épinettes de sa région. « Ils ont comme mot d’ordre très visible de ne pas négocier le prix avec nous. Certains d’entre eux ont demandé à la Régie de l’annuler ou de le modifier [le plan conjoint]. On fait face à une grande opposition. C’est difficile et exigeant financièrement », résume-t-il. M. Lévesque précise qu’un ou deux avocats représentent chacun des opposants. « Ça représente plusieurs centaines de milliers de dollars en frais d’avocats pour l’industrie contre nous », analyse-t-il.
Une gestion de risque à partager
Le directeur du Conseil de l’industrie forestière du Québec, Jean-François Samray, ne veut pas commenter le cas du plan conjoint du Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec en raison de la tenue des audiences devant la Régie ces jours-ci. Il affirme cependant que la hausse du prix du bois d’oeuvre depuis 2020 ne représente pas l’ensemble du portrait. D’une part, les scieries ont de la difficulté à obtenir un bon prix pour l’écorce, les copeaux et autres coproduits, qui représentent près de 50 % d’une bille de bois lorsqu’elle est sciée en planches, explique-t-il. D’autre part, il souligne que les scieries ont été déficitaires pendant près d’une décennie.
M. Samray insiste sur la notion de gestion de risque qui, selon lui, repose entièrement sur les épaules des scieries présentement. Il dit que les producteurs de bois peuvent décider de ne pas récolter leurs arbres si les prix offerts sont bas, tandis que les scieries doivent affronter des marchés changeants, parfois à perte. Il milite pour que les producteurs et les acheteurs s’entendent sur un mécanisme qui partagera le risque des marchés équitablement. Il aimerait aussi que l’entente prévoie un concept d’approvisionnement prévisible, autant en quantité qu’en qualité, avec des dates de livraison prévues et respectées de la part des producteurs.