Les maux d’une société sans mots
Michaël a hérité des beaux yeux verts de sa grand-mère, de la créativité de sa mère et des mains fortes et travaillantes de son père. En revanche, il diffère de celui-ci sur la capacité à communiquer verbalement sa reconnaissance et ses sentiments à son entourage.
Le jeune producteur a saisi très tôt dans la vie que comprendre et se faire comprendre, ce n’est pas chose facile, en particulier avec Jean-Marc, son père. En effet, ce dernier n’est pas du tout du genre causant; avec lui, les encouragements et les « je t’aime » sont loin de revenir aussi souvent que les traites quotidiennes. Plutôt que d’être continuellement frustré et irrité devant l’absence de mots de son père, Michaël a appris, grâce à l’aide d’une travailleuse de rang, à mieux décoder le langage de celui-ci.
En étant plus à l’aise avec les mots que Jean-Marc – qui utilise davantage les silences et le non-verbal pour communiquer –, Michaël éprouvait des difficultés et de la contrariété à comprendre son père et associé. Pour le bien de la famille et de l’entreprise, il avait grand besoin de « décoder » les formes d’expression de ce dernier.
Pour plusieurs hommes de sa famille, comme pour ceux des familles de ses chums, parler de communication, ça semble un peu inutile et franchement plate. Ils ont suffisamment d’autres choses à faire! Au contact de la travailleuse de rang, Michaël a non seulement appris que chaque être humain communique de plusieurs manières, mais surtout que notre société est bien maladroite dans le legs de ces différentes façons.
Ainsi, de la même façon que les goûts, les personnalités, les forces, les difficultés divergent d’une personne à l’autre, il est tout à fait normal que les méthodes de communication ne soient pas identiques. Dans chaque relation, il y a un émetteur et un récepteur qui, évidemment, changent de rôle continuellement. L’émetteur transmet un message, que ce soit par des paroles, un grognement, des yeux levés au ciel, etc., tandis que le récepteur accueille le message, le décrypte et l’interprète, avant de devenir lui-même l’émetteur.
Devenir un « bon » récepteur
Après avoir saisi ce principe, Michaël a jeté un regard à la travailleuse de rang et lui a demandé : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait? » Maintenant, on écoute, on s’intéresse, on décode, on apprend à rétablir une communication déficiente en devenant un « bon » récepteur du message de l’autre.
Lorsque la communication est mauvaise depuis très longtemps, on constate qu’il n’y a aucun récepteur, que des émetteurs. Il n’y a plus d’écoute. Chacun est tellement occupé à réfléchir à ses prochains gestes ou paroles qu’il ne voit plus et n’entend plus l’humain en face de lui. Michaël a pris conscience de l’impact que nous avons les uns sur les autres. En effet, lorsque nous ne comprenons pas le langage de l’autre et que nous choisissons de l’ignorer et de ne penser qu’à « notre » message, nos propres récriminations, ça crée inévitablement de l’incompréhension, qui entraîne de la frustration et cause de la souffrance.
Depuis le jour où il a su qu’il deviendrait papa, Michaël s’était promis de toujours tout faire pour transmettre à ses enfants des valeurs qui les aideraient à se développer de la meilleure façon qui soit. Finalement, il a terminé son suivi avec la travailleuse de rang en lui disant : « La plus belle chose que je léguerai à mes enfants, c’est l’importance de prendre le temps d’écouter l’autre et de le comprendre, peu importe sa façon de communiquer. »
La communication est assurément l’un des plus beaux cadeaux que l’on peut s’offrir et offrir à l’autre. Et pour les plus sceptiques, je vous laisse sur une citation du célèbre écrivain Albert Camus. Peut-être provoquera-t-elle une réflexion que vous souhaiterez approfondir : « Tout refus de communiquer est une tentative de communication; tout geste d’indifférence ou d’hostilité est un appel déguisé. »
« La plus belle chose que je léguerai à mes enfants, c’est l’importance de prendre le temps d’écouter l’autre et de le comprendre, peu importe sa façon de communiquer. »