La Terre de chez nous

Les maux d’une société sans mots

- VANESSA BOISVERT-CADORETTE Stagiaire en travail de rang pour Au coeur des familles agricoles

Michaël a hérité des beaux yeux verts de sa grand-mère, de la créativité de sa mère et des mains fortes et travaillan­tes de son père. En revanche, il diffère de celui-ci sur la capacité à communique­r verbalemen­t sa reconnaiss­ance et ses sentiments à son entourage.

Le jeune producteur a saisi très tôt dans la vie que comprendre et se faire comprendre, ce n’est pas chose facile, en particulie­r avec Jean-Marc, son père. En effet, ce dernier n’est pas du tout du genre causant; avec lui, les encouragem­ents et les « je t’aime » sont loin de revenir aussi souvent que les traites quotidienn­es. Plutôt que d’être continuell­ement frustré et irrité devant l’absence de mots de son père, Michaël a appris, grâce à l’aide d’une travailleu­se de rang, à mieux décoder le langage de celui-ci.

En étant plus à l’aise avec les mots que Jean-Marc – qui utilise davantage les silences et le non-verbal pour communique­r –, Michaël éprouvait des difficulté­s et de la contrariét­é à comprendre son père et associé. Pour le bien de la famille et de l’entreprise, il avait grand besoin de « décoder » les formes d’expression de ce dernier.

Pour plusieurs hommes de sa famille, comme pour ceux des familles de ses chums, parler de communicat­ion, ça semble un peu inutile et franchemen­t plate. Ils ont suffisamme­nt d’autres choses à faire! Au contact de la travailleu­se de rang, Michaël a non seulement appris que chaque être humain communique de plusieurs manières, mais surtout que notre société est bien maladroite dans le legs de ces différente­s façons.

Ainsi, de la même façon que les goûts, les personnali­tés, les forces, les difficulté­s divergent d’une personne à l’autre, il est tout à fait normal que les méthodes de communicat­ion ne soient pas identiques. Dans chaque relation, il y a un émetteur et un récepteur qui, évidemment, changent de rôle continuell­ement. L’émetteur transmet un message, que ce soit par des paroles, un grognement, des yeux levés au ciel, etc., tandis que le récepteur accueille le message, le décrypte et l’interprète, avant de devenir lui-même l’émetteur.

Devenir un « bon » récepteur

Après avoir saisi ce principe, Michaël a jeté un regard à la travailleu­se de rang et lui a demandé : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait? » Maintenant, on écoute, on s’intéresse, on décode, on apprend à rétablir une communicat­ion déficiente en devenant un « bon » récepteur du message de l’autre.

Lorsque la communicat­ion est mauvaise depuis très longtemps, on constate qu’il n’y a aucun récepteur, que des émetteurs. Il n’y a plus d’écoute. Chacun est tellement occupé à réfléchir à ses prochains gestes ou paroles qu’il ne voit plus et n’entend plus l’humain en face de lui. Michaël a pris conscience de l’impact que nous avons les uns sur les autres. En effet, lorsque nous ne comprenons pas le langage de l’autre et que nous choisisson­s de l’ignorer et de ne penser qu’à « notre » message, nos propres récriminat­ions, ça crée inévitable­ment de l’incompréhe­nsion, qui entraîne de la frustratio­n et cause de la souffrance.

Depuis le jour où il a su qu’il deviendrai­t papa, Michaël s’était promis de toujours tout faire pour transmettr­e à ses enfants des valeurs qui les aideraient à se développer de la meilleure façon qui soit. Finalement, il a terminé son suivi avec la travailleu­se de rang en lui disant : « La plus belle chose que je léguerai à mes enfants, c’est l’importance de prendre le temps d’écouter l’autre et de le comprendre, peu importe sa façon de communique­r. »

La communicat­ion est assurément l’un des plus beaux cadeaux que l’on peut s’offrir et offrir à l’autre. Et pour les plus sceptiques, je vous laisse sur une citation du célèbre écrivain Albert Camus. Peut-être provoquera-t-elle une réflexion que vous souhaitere­z approfondi­r : « Tout refus de communique­r est une tentative de communicat­ion; tout geste d’indifféren­ce ou d’hostilité est un appel déguisé. »

« La plus belle chose que je léguerai à mes enfants, c’est l’importance de prendre le temps d’écouter l’autre et de le comprendre, peu importe sa façon de communique­r. »

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