Au moins deux ans de perturbations à venir
La guerre en Ukraine déstabilise le commerceagricolemondialdepuisle24février. Bien qu’il soit difficile de faire des prédictions dans le contexte actuel, les experts interrogés par La Terre estiment que les perturbations dans les fermes se feront sentir au moins pendant deux ans.
« S’il y a des dommages aux infrastructures très importantes en Ukraine et que le conflit devient une occupation longue avec une insurrection, ça risque de miner la production ukrainienne durant plusieurs années et avoir un impact sur le prix mondial des grains », mentionne le directeur scientifique des études économiques au Groupe AGECO, Bertrand Montel.
Le prix des grains s’est considérablement accru depuis le début du conflit. La semaine dernière, le soya s’est vendu à plus de 700 $ la tonne ($/t), le maïs a frôlé les 400 $/t et le canola a atteint 1 000 $/t. « Les prix sont très forts, c’est parfait pour le producteur québécois qui a attendu pour vendre du maïs parce que le prix est monté de 70 $ la tonne en deux semaines. C’est du jamais vu sur une si courte période », dit le Tony Frenza, marchand de grains pour le Québec chez Richardson International. Son entreprise tente d’ailleurs de répondre à la demande grandissante de l’Europe, incapable de s’approvisionner en Ukraine, en affrétant des cargos chargés de maïs québécois.
Au Québec, les producteurs sont bien positionnés pour traverser la crise, souligne le conseiller principal en agriculture et agroalimentaire à la Banque Nationale, Vincent Cloutier. « Certains diront que le prix des grains est élevé, mais il faut que je paie mes fertilisants, mon fuel. C’est un fait, mais je suis d’avis que les marges [de profit] sont positives, et il y a moyen, avec une gestion de risque appropriée, d’avoir une belle année 2022 », indique ce dernier en précisant qu’il faut dès maintenant penser à des stratégies de commercialisation de grains et d’achat d’intrants pour 2023.
La disponibilité des fertilisants ne devrait pas causer de perturbations majeures en 2022, puisque 75 % des volumes sont déjà arrivés au Canada, ou en voie de l’être, selon le chef de la direction de Sollio Agriculture, Casper Kaastra. Il précise que 40 % de l’azote importé dans l’est du Canada provient de la Russie et qu’avec l’imposition de tarifs de 35 % sur les produits russes au Canada, le prix de la matière première s’est considérablement accru pour les arrivages dumois prochain. « On va trouver d’autres fournisseurs [pour 2023], mais tout le monde en recherche », dit-il en précisant que la Russie est l’un des principaux pays exportateurs de fertilisants. Il suggère qu’en cas de retards de livraison, les producteurs discutent avec leur conseiller agricole pour décaler l’application de l’azote dans les champs.