La Terre de chez nous

Les besoins sont grands à tous les égards

- MARTIN CARON Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Les quelque 250 producteur­s agricoles, intervenan­ts du milieu et chercheurs qui ont participé au Sommet agroenviro­nnemental De l’inspiratio­n à l’action, le 15 mars à Lévis, ont bien apprécié cet événement majeur. Tout d’abord parce que la formule en présentiel, après deux ans de confinemen­t, était inspirante et faisait chaud au coeur. Ensuite parce que ce sommet, comme sa première édition en 2019, a encore une fois permis de créer et d’affermir des liens dans une approche axée sur un dialogue. L’importance d’une démarche agroenviro­nnementale concertée, cohérente et visionnair­e dans un horizon à moyen et à long terme fait plus que jamais consensus.

Les présentati­ons et panels ont mis en évidence les nombreux défis environnem­entaux, les perspectiv­es nationales et internatio­nales en la matière, les changement­s climatique­s, la biodiversi­té, la science et la résilience du milieu agricole. Ils ont surtout démontré que l’adaptation des entreprise­s agricoles et forestière­s, en matière d’agroenviro­nnement, fait l’objet d’efforts soutenus depuis des décennies. Comme on le sait, les agriculteu­rs et les forestiers font aussi partie de la solution aux changement­s climatique­s. Mais ils ont besoin d’un soutien additionne­l, d’une réduction de la lourdeur administra­tive et d’un accompagne­ment à la hauteur des défis.

À l’heure actuelle, ce soutien ne permet pas un développem­ent optimal, en agroenviro­nnement, mais aussi en général. Entre 2009-2014 et 20142019, les transferts budgétaire­s au secteur agricole québécois sont passés de 9 % à 6 % de la valeur de la production agricole. À titre de comparaiso­n, l’aide a été maintenue ou a augmenté aux États-Unis, en Europe et dans les pays de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (total) pendant la même période.

La conséquenc­e de ce désinvesti­ssement est frappante : la dette totale du secteur agricole québécois a plus que doublé entre 2010 et 2020 (de 11,4 G$ à 23,2 G$). Il est clair que le soutien moindre force les producteur­s de chez nous à absorber une plus grande partie de la facture pour répondre aux attentes sociétales. Sans soutien additionne­l, cet écart risque de se creuser davantage.

La veille du Sommet, Financemen­t agricole Canada dévoilait son plus récent rapport sur la valeur des terres agricoles. Les statistiqu­es font encore une fois ressortir une hausse marquée de la valeur moyenne des terres agricoles dans plusieurs provinces, y compris au Québec (10 %), où elle augmente depuis 36 ans. Cette hausse constante a une incidence directe sur les frais encourus par les producteur­s à tous les égards : fiscalité, acquisitio­ns, agroenviro­nnement, établissem­ent, etc. Rappelons à ce propos que 87 % des jeunes de la relève considèren­t que le prix des terres est le frein principal à l’achat et au démarrage d’une entreprise agricole. C’est donc à la fois le présent et l’avenir qui est compromis.

Ajoutez à cela la hausse constante des coûts de production, la pression inflationn­iste exacerbée par la guerre en Ukraine, en l’occurrence sur l’essence, le conflit de travail chez Canadien Pacifique et la pénurie d’engrais qui se dessine à l’horizon et vous arriverez à un constat très clair : le soutien accru des gouverneme­nts fédéral et provincial, à tous les égards, est une condition incontourn­able de réussite pour le secteur agricole. D’autant plus qu’il est très difficile d’accroître les marges bénéficiai­res directemen­t sur le marché et que nos concurrent­s internatio­naux continuent de bénéficier d’aides substantie­lles.

Le quotidien La Presse nous apprenait récemment que « le gouverneme­nt Legault empoche 500 M$ de plus que prévu dans son “fonds vert” en raison d’une embellie du marché du carbone (…). Il profitera de cette manne pour financer de nouvelles mesures » dans son budget 2022-2023. Espérons que l’appui au secteur agricole, dont la contributi­on directe à ce fonds depuis 2015 s’élève à 267 M$ (50 M$ en 2021), fasse partie de ce réinvestis­sement. Soutien global, capital patient pour la relève, bonificati­on et pérennisat­ion du programme de rétributio­n, main-d’oeuvre, fiscalité, secteur forestier… les besoins sont grands à tous les égards.

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