Glyphosate : l’industrie campe sur ses positions
La controverse n’ébranle manifestement pas la foi de l’industrie quant à l’innocuité du glyphosate. « La science est claire. Le glyphosate est sécuritaire. Pourquoi chercher un substitut? » demande Pierre Petelle, président et chef de la direction de CropLife Canada, qui représente l’industrie canadienne des produits antiparasitaires.
Son industrie souhaite se faire entendre, en particulier des producteurs, alors que de nombreuses voix s’élèvent pour demander l’interdiction du composé chimique le plus vendu dans le monde pour la production d’herbicides. « On veut parler directement aux agriculteurs parce que ce sont eux qui utilisent les produits. On veut les rassurer quant à la sécurité de nos produits pour la santé », explique Pierre Petelle.
Ses propos reçoivent l’appui de Santé Canada. Dans un échange courriel avec La Terre, l’agence fédérale soutient que, pour le moment, « Santé Canada et les autorités internationales de réglementation, dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’Autorité australienne des pesticides et des médicaments vétérinaires et l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, ne considèrent pas que le glyphosate présente un risque de cancer pour l’humain ». Santé Canada précise toutefois rester à l’affût des nouvelles découvertes scientifiques.
Des indices s’accumulent
L’équipe du Dr Martin Pelletier travaille sur la toxicité du glyphosate chez l’humain dans son laboratoire du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Selon le chercheur, les expériences menées en laboratoire montrent de manière « assez forte » le lien entre le développement du cancer et le glyphosate. Les indices d’une relation chez les animaux le suggèrent également. L’obstacle auquel fait face la science, dans le cas de l’humain, tiendrait à l’insuffisance de preuves, estime celui qui a cosigné un article sur le sujet dans le Journal of Immunotoxicology, en 2020. « C’est très difficile de faire des associations entre le cancer et des produits comme le glyphosate chez un être humain parce qu’on ne peut pas contrôler son environnement comme on le fait en laboratoire pour une souris », explique ce professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval.
« Là, on commence à voir des travailleurs qui ne sont pas protégés commencer à développer des cancers. »
– Martin Pelletier
Le glyphosate profite ainsi d’une insuffisance de preuves quant à sa toxicité chez l’humain, reconnaît le professeur-chercheur, mais les indices s’accumulent, dit-il, et des exemples des effets du glyphosate sur la santé humaine apparaissent graduellement. « Là, on commence à voir des travailleurs qui ne sont pas protégés commencer à développer des cancers et là, les associations se font », observe Martin Pelletier, qui regrette par ailleurs que « pour qu’il y ait un impact et qu’on se soucie vraiment [d’une situation], ça prend souvent des morts, beaucoup de gens qui en souffrent pour qu’on s’ouvre les yeux ».