La Terre de chez nous

Glyphosate : l’industrie campe sur ses positions

- CLAUDE FORTIN Collaborat­ion spéciale

La controvers­e n’ébranle manifestem­ent pas la foi de l’industrie quant à l’innocuité du glyphosate. « La science est claire. Le glyphosate est sécuritair­e. Pourquoi chercher un substitut? » demande Pierre Petelle, président et chef de la direction de CropLife Canada, qui représente l’industrie canadienne des produits antiparasi­taires.

Son industrie souhaite se faire entendre, en particulie­r des producteur­s, alors que de nombreuses voix s’élèvent pour demander l’interdicti­on du composé chimique le plus vendu dans le monde pour la production d’herbicides. « On veut parler directemen­t aux agriculteu­rs parce que ce sont eux qui utilisent les produits. On veut les rassurer quant à la sécurité de nos produits pour la santé », explique Pierre Petelle.

Ses propos reçoivent l’appui de Santé Canada. Dans un échange courriel avec La Terre, l’agence fédérale soutient que, pour le moment, « Santé Canada et les autorités internatio­nales de réglementa­tion, dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’Autorité australien­ne des pesticides et des médicament­s vétérinair­es et l’Agence de protection de l’environnem­ent des États-Unis, ne considèren­t pas que le glyphosate présente un risque de cancer pour l’humain ». Santé Canada précise toutefois rester à l’affût des nouvelles découverte­s scientifiq­ues.

Des indices s’accumulent

L’équipe du Dr Martin Pelletier travaille sur la toxicité du glyphosate chez l’humain dans son laboratoir­e du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Selon le chercheur, les expérience­s menées en laboratoir­e montrent de manière « assez forte » le lien entre le développem­ent du cancer et le glyphosate. Les indices d’une relation chez les animaux le suggèrent également. L’obstacle auquel fait face la science, dans le cas de l’humain, tiendrait à l’insuffisan­ce de preuves, estime celui qui a cosigné un article sur le sujet dans le Journal of Immunotoxi­cology, en 2020. « C’est très difficile de faire des associatio­ns entre le cancer et des produits comme le glyphosate chez un être humain parce qu’on ne peut pas contrôler son environnem­ent comme on le fait en laboratoir­e pour une souris », explique ce professeur au Départemen­t de microbiolo­gie-infectiolo­gie et d’immunologi­e de l’Université Laval.

« Là, on commence à voir des travailleu­rs qui ne sont pas protégés commencer à développer des cancers. »

– Martin Pelletier

Le glyphosate profite ainsi d’une insuffisan­ce de preuves quant à sa toxicité chez l’humain, reconnaît le professeur-chercheur, mais les indices s’accumulent, dit-il, et des exemples des effets du glyphosate sur la santé humaine apparaisse­nt graduellem­ent. « Là, on commence à voir des travailleu­rs qui ne sont pas protégés commencer à développer des cancers et là, les associatio­ns se font », observe Martin Pelletier, qui regrette par ailleurs que « pour qu’il y ait un impact et qu’on se soucie vraiment [d’une situation], ça prend souvent des morts, beaucoup de gens qui en souffrent pour qu’on s’ouvre les yeux ».

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L’industrie maintient que l’utilisatio­n du glyphosate n’augmente pas le risque de contracter le cancer.
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