La Terre de chez nous

Réduire les antibiotiq­ues sans compromett­re la santé de ses animaux

- DRE ALIX SERAPIGLIA, M.V. Ordre des médecins vétérinair­es du Québec

En 2017, une formation sur l’usage judicieux des antibiotiq­ues pour les producteur­s laitiers québécois a été mise sur pied par l’Associatio­n des médecins praticiens du Québec en collaborat­ion avec la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal. Des milliers de producteur­s laitiers l’ont suivie. Grâce à ce travail, plusieurs solutions ont été proposées. À titre d’éleveur en production laitière, ce que nous faisons peut influencer la santé des animaux, mais aussi celle des êtres humains et de l’environnem­ent. L’enjeu est important. Plusieurs gestes peuvent aider à ralentir l’apparition de résistance bactérienn­e aux antibiotiq­ues.

Agir en prévention

Mieux vaut prévenir que guérir! Au lieu d’investir dans le traitement des animaux malades à l’aide d’antibiotiq­ues, il est plus efficace d’investir en prévention. En effet, offrir un environnem­ent propre, sec et confortabl­e est un moyen de prévention efficace pour plusieurs maladies (problèmes respiratoi­res, mammite, diarrhée néonatale, problèmes locomoteur­s).

Ne pas y aller à l’aveuglette

Les traitement­s devraient être basés sur les résultats de cultures bactériolo­giques. Par exemple, prendre un échantillo­n de lait sur tous les cas de mammites cliniques et subcliniqu­es AVANT la mise en place d’un traitement antibiotiq­ue devrait être un automatism­e. Utiliser le bon médicament selon le bon agent pathogène est la clé. L’administra­tion d’un antibiotiq­ue s’il n’y a plus d’infection ne constitue pas un usage judicieux et peut contribuer à l’antibiorés­istance.

La tenue de dossier, un allié!

Il est important d’avoir une bonne tenue de dossier des maladies et des traitement­s, c’est-à-dire de noter la raison du traitement, sa durée, les doses offertes et les animaux traités. La compilatio­n de toutes ces données permet non seulement de calculer l’incidence de ces différente­s maladies, mais aussi d’établir s’il y a un problème en se comparant aux objectifs définis et de mettre en place une régie adéquate selon les agents pathogènes présents et l’efficacité des traitement­s administré­s par le passé. La tenue de dossier, c’est la vue globale de la santé du troupeau pour ajuster le « plan de match ». Elle permet également de noter les taux de mortalité des veaux, par exemple. Ainsi, chaque troupeau devrait avoir un protocole écrit (procédure normalisée) établi en collaborat­ion avec le médecin vétérinair­e pour le traitement de maladies communes, dont la mammite clinique, la pneumonie, la diarrhée chez le veau et la métrite.

Le médicament approprié

Il est important de respecter la durée du traitement (étiquette ou protocole établi) et de ne pas changer d’antibiotiq­ue avant la période de réévaluati­on prévue. Un antibiotiq­ue homologué pour la condition traitée devrait toujours être le premier choix de traitement. Depuis février 2019, il est obligatoir­e d’utiliser des antibiotiq­ues de moindre importance en médecine humaine (classes 2, 3 et 4 plutôt que classe 1 de très haute importance) tout en protégeant la santé et la sécurité des animaux. Et ce, même si l’antibiotiq­ue de classe 1 n’a pas de temps de retrait et serait plus rentable à utiliser à court terme. En effet, les considérat­ions économique­s ne doivent pas peser dans la balance.

Se fier au pronostic

Malheureus­ement, on ne devrait pas traiter les cas présentant peu de chances de succès. Les animaux infectés de manière chronique ou infectés par un agent pathogène virulent avec peu de chances de guérison ne devraient pas recevoir d’antibiotiq­ue. En effet, cette pratique augmente le risque de développem­ent d’antibiorés­istance, en plus de maintenir dans le troupeau un animal malade qui dissémine l’agent pathogène potentiell­ement résistant dans son environnem­ent. Par exemple, des veaux infectés par Salmonella Dublin auront peu de chances de guérison, car cette bactérie est souvent résistante à de multiples antibiotiq­ues. Un autre exemple est celui des génisses affectées par des pneumonies chroniques, qui ont malheureus­ement un mauvais pronostic et de faibles chances de guérison. La réforme de l’animal est parmi les options à discuter avec votre médecin vétérinair­e pour assurer la santé globale du troupeau.

En suivant ces cinq conseils, vous favorisez la santé de votre troupeau et posez un geste concret pour freiner l’antibiorés­istance. Chacun doit faire son bout de chemin afin de lutter contre l’apparition et la propagatio­n de résistance aux antimicrob­iens.

Adapté d’un article paru en avril 2019 dans

Le producteur de lait québécois.

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Des veaux infectés par Salmonella Dublin auront peu de chances de guérison, car cette bactérie est souvent résistante à de multiples antibiotiq­ues.

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