La Terre de chez nous

Mortalité des abeilles : un enjeu majeur pour la société

- MARTIN CARON Président général de l'Union des producteur­s agricoles

La pollinisat­ion est un processus fondamenta­l pour la survie des écosystème­s. Selon l’Organisati­on des Nations unies (ONU), 90 % des plantes sauvages à fleurs, 75 % des cultures vivrières et 35 % des terres agricoles à l’échelle de la planète en dépendent. Les pollinisat­eurs (abeilles, mouches, papillons, coléoptère­s, fourmis, colibris, etc.) contribuen­t donc directemen­t à la sécurité alimentair­e et à la conservati­on de la biodiversi­té.

Les insectes sont les principaux pollinisat­eurs dans le monde : 75 % des 115 principale­s cultures agricoles en dépendent. Et les abeilles, dont il existe plus de 20 000 espèces, constituen­t le groupe de pollinisat­eurs le plus important. Des chercheurs ont d’ailleurs évalué leur valeur économique : 153 G$ (USD) à l’échelle de la planète.

L’importance des abeilles ne fait pas exception au Québec. En 2019, le secteur apicole québécois comptait 440 producteur­s (67 000 ruches), a produit 1,8 tonne métrique de miel et a généré des revenus de 25,2 M$ (15,4 M$ pour la vente de miel, 7,6 M$ pour la location de colonies et 2,2 M$ pour les autres produits apicoles). Ici comme ailleurs, la culture des arbres fruitiers, des petits fruits (bleuets, fraises, framboises, canneberge­s, etc.), des pommes, du canola et des courges est en effet impossible sans pollinisat­eurs. Le déclin des population­s d’abeilles domestique­s et des autres pollinisat­eurs, ces dernières années, a donc suscité un vif intérêt auprès de la communauté scientifiq­ue et du grand public. L’action combinée de plusieurs facteurs est généraleme­nt mise en cause.

Ces temps-ci, c’est spécifique­ment Varroa destructor qui est pointé du doigt. Depuis plusieurs semaines, un nombre croissant d’apiculteur­s rapportent des pertes anormaleme­nt élevées. Des taux de l’ordre de 50 ou 60 %, et même plus, sont régulièrem­ent constatés. Selon des experts, les saisons chaotiques, la floraison hâtive, les écarts de températur­e durant l’hiver et les étés qui s’allongent sont tous des symptômes des changement­s climatique­s qui confèrent au varroa les conditions parfaites pour proliférer. L’inquiétude chez les apiculteur­s est à son comble, tout comme chez les producteur­s qui misent sur la pollinisat­ion pour leurs cultures. À titre d’exemple, la situation préoccupe particuliè­rement les producteur­s de bleuets du Québec, qui louent près de 30 000 ruches chaque année pour polliniser leur champ.

Une enquête menée par le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec est en cours, et nous en saurons plus très bientôt sur l’ampleur des dommages. Les Apiculteur­s et apicultric­es du Québec (AADQ) prévoient aussi faire le point au cours des prochaines semaines, mais l’organisati­on identifie déjà des besoins énormes du côté de la recherche. Les produits généraleme­nt utilisés pour combattre le varroa s’avèrent de plus en plus inefficace­s et des alternativ­es doivent être trouvées rapidement. Le soutien des autres secteurs de production pourrait aussi être sollicité.

La surmortali­té arrive aussi à un bien mauvais moment. Comme l’indiquait récemment le président des AADQ, Raphaël Vacher, les perturbati­ons de la chaîne d’approvisio­nnement créent un effet inflationn­iste, même pour l’importatio­n d’abeilles. L’importatio­n peut uniquement se faire par avion, et les prix du transport ont quadruplé depuis le début de la pandémie. Il est donc beaucoup plus coûteux de les remplacer, en plus des risques de maladies que ces importatio­ns supposent.

L’Union des producteur­s agricoles apporte un soutien soutenu au secteur apicole, en l’occurrence au chapitre de la représenta­tion et par la coordinati­on d’un groupe de travail visant à renforcer la collaborat­ion et la communicat­ion entre celui-ci et celui des grains. Et nous continuero­ns de suivre de très près la situation.

Du côté gouverneme­ntal, l’assurance récolte (ASREC) offre malheureus­ement peu de solutions au problème actuel. Le secteur apicole a un taux de couverture moyen de 28 % (2020), alors que la moyenne pour l’ensemble des secteurs est de 62 %. Les deux paliers de gouverneme­nt ont clairement des efforts à déployer pour soutenir et accompagne­r rapidement le secteur apicole et tous ceux qui en dépendent.

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