La pression d’être heureux

Ça vous est probablement déjà arrivé; ça nous arrive à tous. Être sur le pilote automatique et trouver que chaque tâche représente une montagne. Avoir l’envie de se mettre à off , sans réellement pouvoir le faire, pour mille et une raisons (obligations).

Que ce soit parce qu’on vit une situation difficile, sur le plan personnel ou professionnel, ou tout simplement parce qu’on a vidé notre batterie d’énergie plus vite qu’on ne l’a rechargée, ce n’est jamais facile d’être à l’ouvrage quand le coeur ne suit pas. Pis comme si ce n’était pas assez de feeler comme ça, parfois on s’en rajoute à grands coups de culpabilité, pis de honte.

D’ailleurs, le concept de « bien aller » est problématique (encore plus depuis la pandémie). Pour certains, une journée « correcte » est une journée où le statu quo règne, où ça ne va pas pire que la veille. En gros, si ça arrête de se dégrader, ça va bien. De manière insidieuse, on s’habitue à nos vieilles chaussures qui nous blessent et on ne se rend plus compte des dégâts que cela crée.

J’ai une question pour vous : croyez-vous que notre société tolère bien de voir des gens qui expriment leur mal-être? Le « paraître » doit-il l’emporter encore une fois sur « l’être »? Peut-on, individuellement, se permettre d’être vulnérables face aux autres? Quel regard sera alors porté sur nous? Un regard bienveillant ou un jugement négatif? N’est-il pas véhiculé « qu’on doit laisser nos problèmes à la maison »?

J’ai l’impression qu’on s’attend toujours à ce que les gens qu’on rencontre nous disent qu’ils vont bien. L’exemple le plus flagrant est la fameuse question « Ça va? ». Combien de personnes vont répondre « Oui, et toi? » ou « Ça va bien, merci »? Nous sommes conditionnés à une réponse positive. Il se peut également que notre interlocuteur ne veuille pas vraiment connaître nos états d’âme. On passe donc à côté d’une vraie discussion coeur à coeur.

Accueillir la souffrance

Les difficultés font partie de la vie, je sais, mais j’ai néanmoins l’impression qu’on se désensibilise face à la souffrance des autres au profit de la productivité et de la performance. Ça, ça me fait peur. Je trouve que cela nous éloigne de ce qui est important : l’empathie, la bienveillance et l’authenticité. On fait notre bonheur, mais personne ne court après le malheur.

Prenons-nous suffisamment de temps pour accueillir notre fragilité et celle des autres? On ne parle pas ici de se complaire dans le malheur ou de ruminer constamment, mais de son contraire, la négation de la souffrance. Je refuse de vivre dans une société de « clowns tristes » où les gens portent un masque pour camoufler leurs souffrances, qu’elles soient passagères ou non.

On peut commencer par reconnaître notre besoin. Se faire un petit scan de temps à autre et se demander « Est-ce que je suis bien? ». Être empathique envers soi-même, se donner du temps pour accepter et vivre notre situation. Reconnaître notre vulnérabilité, car ce n’est pas une faiblesse; c’est humain! Accorder du temps aux personnes qui nous entourent afin qu’elles aient un espace pour s’exprimer. Donner du temps aux silences, qui sont précieux et parfois beaucoup plus utiles que les mots. Prendre le temps d’être sincèrement empathiques envers les autres. Respecter leur besoin d’être vulnérables. Réajuster nos attentes de performance et de productivité en fonction de ce que l’individu peut vivre à un moment X de sa vie. Il me semble que cela serait sensé, non?

« Six milliards de solitudes, ça fait beaucoup de seuls ensemble », chante Daniel Bélanger. Briser l’isolement et parler ne fera pas disparaître la traite du soir ou la montagne de paperasse, mais peut aider à vider le bain! N’ayez pas peur d’en parler, que ce soit à votre entourage ou à quelqu’un d’externe (comme une travailleuse de rang, par exemple).

« J’ai l’impression qu’on s’attend toujours à ce que les gens qu’on rencontre nous disent qu’ils vont bien. »