La Terre de chez nous

Vers un diagnostic plus rapide de la « gastro » des abeilles

- ELSA RACINE

Étudiante au doctorat en médecine vétérinair­e SARAH TREMBLAY, D.M.V.

Dr CHRISTOPHE­R FERNANDEZ-PRADA, M.V., PH. D.

Dre MARIE-ODILE BENOITBIAN­CAMANO, M.V., M. SC., PH. D., DACVP, DECVP, FIATP

En plus de produire un ingrédient savoureux, les abeilles à miel, ou Apis mellifera, sont d’essentiels pollinisat­eurs, soutenant environ le tiers de la production agricole. La sécurité et la diversité alimentair­es sont donc largement dépendante­s de la santé des abeilles. Malheureus­ement, un taux de mortalité hivernale élevé est rapporté chaque année, ce qui souligne la nécessité de mieux surveiller et protéger les ruches. Ces nombreux décès seraient liés aux changement­s climatique­s, aux pesticides, ainsi qu’à une variété de maladies, dont des parasites. Parmi ces derniers, deux espèces similaires de microspori­dies, soit Nosema apis et Nosema ceranae, sont responsabl­es de la nosémose, ou la « gastro » des abeilles.

Le parasite se répand par la production de spores, des unités microscopi­ques très résistante­s libérant leur contenu infectieux dans les cellules intestinal­es des abeilles. Néanmoins, plusieurs abeilles sont infectées par ces parasites sans être malades. Ce n’est que dans des colonies affaiblies par diverses circonstan­ces, telles qu’un hiver long, ou par des pesticides, que les conséquenc­es sont majeures. Les symptômes de la nosémose étant variés et peu caractéris­tiques, le diagnostic est complexe. Plusieurs abeilles mortes autour de la ruche, des abdomens gonflés, un vol difficile, de la diarrhée, et une activité réduite de la colonie sont tous des indicateur­s pouvant être liés à la nosémose, mais aussi à bien d’autres maladies.

Les abeilles sont infectées à la suite de l’ingestion de spores. Ces dernières sont susceptibl­es de se retrouver notamment dans la nourriture, l’eau, les parois de la ruche et les excréments. D’ailleurs, certains comporteme­nts sociaux tels que la trophallax­ie (transfert de nourriture d’une abeille à une autre) facilitent la transmissi­on de la maladie.

Un antibiotiq­ue controvers­é

La fumagillin­e est un antibiotiq­ue utilisé en Amérique du Nord pour le traitement de la nosémose. Cependant, son usage est controvers­é, puisque cette substance est interdite dans de nombreux pays d’Europe et pourrait être toxique pour les mammifères. De plus, son efficacité est restreinte par le développem­ent de résistance et par son mode d’action qui n’inclut pas la destructio­n des spores, mais seulement un arrêt de leur multiplica­tion. Ainsi, une fois que les colonies sont infectées et malades, leur mort est souvent inévitable.

Pour diagnostiq­uer la nosémose, les intestins d’abeilles sont prélevés, puis observés par microscopi­e afin de compter manuelleme­nt les spores. Cette méthode laborieuse représente un obstacle à l’administra­tion responsabl­e des traitement­s et à l’étude de la nosémose, d’où l’intérêt de développer une nouvelle méthode de diagnostic rapide. C’est exactement ce qu’espèrent réaliser les Drs Marie-Odile Benoit-Biancamano, pathologis­te vétérinair­e, et Christophe­r Fernandez-Prada, parasitolo­giste vétérinair­e, deux chercheurs de la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal.

Si l’on se base sur les résultats de recherches précédente­s, les spores pourraient être mises en évidence par fluorescen­ce avec le colorant calcofluor blanc. L’objectif est d’utiliser un appareil détectant la fluorescen­ce pour effectuer un comptage automatiqu­e des spores. Par ailleurs, les chercheurs travailler­ont aussi sur la caractéris­ation histologiq­ue et cytologiqu­e de la maladie, afin de mieux la comprendre et ainsi contribuer au développem­ent de futures méthodes de prévention et traitement.

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Pour diagnostiq­uer la nosémose, les intestins d’abeilles sont prélevés, puis observés par microscopi­e afin de compter manuelleme­nt les spores.
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