La Terre de chez nous

La colère des agriculteu­rs français résonne au Québec

- PATRICIA BLACKBURN pblackburn@ laterre.ca

Parti de France pour s’installer au Québec en 2019, Adrien Papin, producteur de céréales à Saint-Irénée, dans Charlevoix, suit avec attention le mouvement des agriculteu­rs français, qui manifesten­t depuis quelques semaines pour réclamer de meilleures conditions de travail.

« Il y a des gens qui sont à bout làdedans, et il faut fesser fort. C’est plate, mais il faut fesser fort et faire du bruit pour que le monde comprenne que c’est nous qui les nourrisson­s », affirme-t-il en entrevue avec La Terre. Le jeune agriculteu­r, dont le père est toujours producteur laitier en France, a choisi de venir au Québec pour pouvoir vivre de son métier et l’exercer avec moins de contrainte­s, dit-il. « Il y a un manque de rentabilit­é dans les fermes depuis quelques années [en France], qui s’accentue avec l’inflation mondiale, des normes environnem­entales de plus en plus strictes et un cahier des charges qui se complique. Le gouverneme­nt ne fait rien; il laisse tomber son agricultur­e, petit à petit. À un moment donné, ça énerve! » commente-t-il.

À son arrivée au Québec, il y a cinq ans, il a constaté qu’il était moins « menotté » ici par rapport aux normes environnem­entales, notamment, et qu’il sentait un meilleur soutien de l’État. Or, il observe que les choses ont bien changé depuis la pandémie de COVID-19 et la crise inflationn­iste qui a suivi. « Il y a quelques différence­s, mais je dirais que, dans les grandes lignes, on se rejoint pas mal main

tenant [avec la France] », déplore le producteur.

Un « point de rupture »

Un tel constat est en partie partagé par le directeur général de l’Union des producteur­s agricoles (UPA), Charles-Félix Ross, qui dit être solidaire avec les revendicat­ions des agriculteu­rs français. « Je dirais que la situation financière des agriculteu­rs est un peu moins périlleuse ici. On a la gestion de l’offre quand même au Québec, qui amène de la stabilité et des revenus, ou des production­s comme le sirop d’érable, qui a le vent dans les voiles, mais on a des enjeux similaires, comme la hausse des coûts de production, les normes environnem­entales, l’absence de réciprocit­é des normes, la difficulté pour la relève de s’établir », énumère-t-il. M. Ross estime néanmoins que le point de rupture est «quand même très près».

« Les producteur­s agricoles québécois étaient d’ailleurs 1 300 à sortir

dehors en décembre pour manifester et faire connaître leurs préoccupat­ions par rapport à l’avenir de l’agricultur­e », rappelle-t-il. Bien qu’aucune annonce gouverneme­ntale n’ait suivi, M. Ross croit que les messages ont néanmoins été entendus et espère qu’ils se refléteron­t dans les différents projets en cours ou à venir, dont le renouvelle­ment de la Politique bioaliment­aire du Québec, qui amorce ses travaux en 2024.

«Ce que j’aime présenteme­nt de ce qui se passe en Europe et qui peut avoir un écho ici, ajoute-t-il, c’est que la population est derrière les agriculteu­rs, car c’est l’enjeu fondamenta­l, si on veut maintenir l’agricultur­e locale en Europe, au Canada, au Québec.»

M. Ross fait aussi référence à différents sondages réalisés dernièreme­nt qui démontrent que le nombre de fermes est en déclin, en France, dans plusieurs secteurs de production, rapporte-t-il. « Mais les Français ne mangent pas moins, ce sont des produits qu’on importe d’ailleurs. Et la population ne veut pas dépendre des autres pays pour se nourrir », observe-t-il.

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Utilisant des centaines de tracteurs forestiers et des bottes de foin, les manifestan­ts ont bloqué les autoroutes menant à la capitale française, le 29 janvier.
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Adrien Papin

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