La Terre de chez nous

Une priorité inébranlab­le et non négociable

- PAUL DOYON 1er vice-président général de l’Union des producteur­s agricoles

Le premier ministre du Québec, François Legault, a récemment indiqué qu’il envisageai­t de limiter le nombre de résidents non permanents. Rappelant que plus de 528 000 immigrants temporaire­s séjournent actuelleme­nt dans la province (46 % de plus que l’an dernier), ce dernier a demandé à la ministre de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n, Christine Fréchette, d’évaluer la pertinence de resserrer les règles d’admission.

Les travailleu­rs étrangers temporaire­s (TET), tous secteurs confondus, forment le plus gros contingent de résidents non permanents au Québec. Ils sont près de 226 000, si l’on inclut les membres de leur famille (61 % de plus qu’il y a un an). La pénurie de main-d’oeuvre qui afflige plusieurs secteurs économique­s fait certaineme­nt partie des raisons qui expliquent cette augmentati­on substantie­lle.

L’agricultur­e subit toutefois cette pénurie depuis beaucoup plus longtemps que la majorité des autres secteurs économique­s, d’où la création, il y a plus de 50 ans, du Programme des travailleu­rs étrangers temporaire­s et du Programme des travailleu­rs agricoles saisonnier­s. Resserrer les règles d’admission, ou freiner l’arrivée des TET de quelque façon que ce soit, serait donc désastreux pour l’agricultur­e québécoise.

Les TET représente­nt environ le tiers (22 000) de la main-d’oeuvre agricole et sont essentiels à l’autonomie et à la sécurité alimentair­e du Québec. Les quelque 2 000 employeurs agricoles qui ont recours à leurs services savent très bien à quel point ces milliers de travailleu­rs en provenance du Mexique, du Guatemala et d’autres pays sont indispensa­bles à l’agricultur­e québécoise, plus particuliè­rement dans le secteur horticole.

Rappelons que la disponibil­ité des travailleu­rs locaux n’est pas complèteme­nt inexistant­e, mais qu’elle est insuffisan­te pour combler tous les besoins. C’est pourquoi nous réclamons depuis plusieurs années un recours facilité à la main-d’oeuvre agricole étrangère, à tous les égards (incluant l’actuel fardeau administra­tif, inéquitabl­e comparativ­ement aux autres provinces).

L’importance de cette maind’oeuvre explique aussi pourquoi les employeurs agricoles sont depuis toujours sensibles au bien-être des TET. Les productric­es et producteur­s peuvent d’ailleurs compter sur l’expertise des centres d’emploi agricole et du Comité sectoriel de main-d’oeuvre de la production agricole (AGRIcarriè­res) à cet égard. Ils sont aussi bien au fait de leurs obligation­s et responsabi­lités à l’endroit des TET, en raison notamment des formations offertes et de l’informatio­n que nous leur fournisson­s.

Ajoutons que la Table de concertati­on sur les TET agricoles traite, depuis 2018, des grands enjeux rencontrés par les TET et les employeurs. Réunissant une multitude d’organisati­ons agricoles, gouverneme­ntales, civiles et sectoriell­es, cette mise en commun des enjeux et des solutions s’inscrit en complément­arité avec les actions du Réseau d’aide aux travailleu­ses et travailleu­rs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) et du Centre d’emploi agricole de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, qui offrent des services d’accompagne­ment aux travailleu­rs migrants. Rappelons aussi que l’UPA, la Fondation des entreprise­s en recrutemen­t de main-d’oeuvre agricole étrangère et le RATTMAQ ont annoncé, en 2022, la conclusion d’une entente de collaborat­ion visant à assurer un environnem­ent de travail sain, sécuritair­e et respectueu­x des droits des TET.

Rappelons aussi, nonobstant les critiques dans certains milieux, que les TET bénéficien­t des mêmes droits que les travailleu­rs québécois et que leur rémunérati­on est généraleme­nt plus avantageus­e que dans leur pays d’origine, ce qui leur permet de contribuer au bien-être de leur famille et à l’essor économique de leur propre communauté. Il s’agit donc d’une formule résolument « gagnant-gagnant ».

Au bout du compte, entraver de quelque façon que ce soit la venue de ces travailleu­rs en agricultur­e serait une grave erreur. À l’instar des transforma­teurs alimentair­es (qui ont aussi recours à cette main-d’oeuvre), les productric­es et producteur­s apprécient grandement le travail irréprocha­ble de ces milliers d’hommes et de femmes qui parcourent de grandes distances pour les appuyer dans leur mission fondamenta­le, c’est-à-dire nourrir leurs concitoyen­s. L’accès à ces travailleu­rs, qui évoluent dans un écosystème efficace et concerté ayant fait ses preuves, est donc une priorité économique et alimentair­e à la fois inébranlab­le et non négociable.

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