Les derniers tabaculteurs du Québec
La famille Janson vient de récolter sa 85e récolte de tabac dans ses champs de L’Assomption. Seul tabaculteur encore en activité au Québec, Robin Janson a le bonheur de voir son fils Jocelyn prendre tranquillement la relève à la ferme.
« Quand tu es tout seul à faire ta production, tu dois avoir tout en double ou être débrouillard. On ne peut pas tout le temps faire huit heures de route pour aller chercher une pièce de rechange en Ontario. » – Jocelyn Janson
L’ASSOMPTION — Après son père Robin, son grand-père Roland et son arrièregrand-père Maximilien, Jocelyn Janson a choisi de se consacrer lui aussi à la culture du tabac, sur la terre familiale de L’Assomption, où le tabac blond prospère depuis 85 ans. « On a ça dans le sang », dit le père. « Pas le choix », acquiesce le fils, qui a tout de même pris la peine de faire un diplôme d’études professionnelles en mécanique industrielle pour avoir un plan B.
Depuis que le gouvernement a racheté les permis de production des tabaculteurs au début des années 2000, au moment où les grands cigarettiers choisissaient de l’acheter ailleurs pour le payer moins cher, Robin Janson a persévéré envers et contre tout pour vivre de sa passion. Aujourd’hui, il est le seul encore en activité au Québec.
« Dans le temps, on était 57 producteurs dans Lanaudière sur les 60 au Québec. C’est ici que ça se passait. On pouvait se parler de nos problèmes de production, partager la main-d’oeuvre ou la machinerie. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil. Je dois aller en Ontario pour trouver des pièces de rechange. Les plus proches producteurs de tabac sont à huit heures de route et on ne partage pas le même climat », dit-il.
Lorsque le gouvernement a suggéré aux tabaculteurs de se reconvertir, certains ont choisi les pommes de terre, d’autres la tourbe ou la vigne, pour profiter de leur bonne terre sablonneuse.
« Pendant 10 ans, j’ai essayé de faire comme les autres en me lançant dans les petits fruits. D’autres ont réussi, mais moi, je n’y arrivais pas », raconte le producteur. Puisqu’il était l’un des seuls à continuer à payer son permis de production de tabac, un jour, le téléphone a sonné. Imperial Tobacco voulait créer une cigarette « édition Québec », destinée aux nostalgiques du tabac blond d’ici. Robin Janson a sauté sur l’occasion.
Le tabac s’est remis à prospérer dans ses 70 acres (28 hectares) de champs. Semée en rotation avec le seigle, la terre s’est enrichie d’année en année, devenant « une vraie bonne terre à tabac, avec un taux de matière organique idéal », dit Robin Janson.
Hydroponie
Au fil du temps, aidé par son fils Jocelyn, qui s’est impliqué dès son enfance, M. Janson a progressivement modernisé ses installations. « Avant, on semait en serre au mois de mars dans des godets de terre, mais aujourd’hui, on s’est convertis à l’hydroponie. Ça demande moins de manipulation au moment de transférer au champ, donc on sauve de la main-d’oeuvre. »
Jocelyn est responsable des serres et du travail au champ, tandis que Robin continue à s’occuper du séchage.
Le tabac, autrefois coupé à la main, est désormais fauché par une immense récolteuse automatique. Lorsqu’il sort du séchoir, le tabac est roulé en gros ballots. « Autrefois, on faisait tout à bras, alors c’était des balles de 50 livres, comme le foin. Maintenant, c’est transporté au lift , alors ça part en balles de 750 livres », souligne Robin Janson.
Quand Imperial Tobacco a plus tard été vendue à une compagnie brésilienne, le producteur a décidé de chercher d’autres acheteurs. Grâce à ses amis
tabaculteurs de l’Ontario, il a pu trouver un nouveau marché pour son tabac. « Toute notre production part maintenant à l’encan en Caroline du Nord, où le tabac est vendu entre 3 $ et 3,50 $ la livre. C’est grand, la planète. Il fallait s’ouvrir à de nouveaux marchés», affirme M. Janson.
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