La Terre de chez nous

« C’est comme avoir un casier judiciaire »

- MARTIN MÉNARD mmenard@

Il y a quelques années, un jeune éleveur de porcs de la relève, établi en Montérégie, a reçu une amende de près de 3 000 $ pour un manquement aux normes de bien-être animal. Il en subit encore les conséquenc­es.

« J’ai payé l’amende, et même si ça fait deux ans et que tout est réglé, c’est marqué «bien-être animal» dans mon dossier. Ça revient toujours, c’est comme avoir un casier judiciaire. Dernièreme­nt, mon créancier m’en a même parlé. Il m’a demandé si l’infraction de bien-être animal pouvait m’empêcher de continuer à produire. Tu ne sais jamais quand ça va te retomber dans le visage. Tu te poses des questions. Tu baisses ta production. Dans ce temps-là, tu n’avances pas », témoigne celui qui a tenu à conserver l’anonymat.

Le libellé de son infraction demeure large : « Étant propriétai­re d’un animal, ne s’est pas assuré qu’il était gardé dans un lieu salubre, propre, convenable, suffisamme­nt espacé et éclairé. » Ses porcs à l’extérieur étaient couverts de boue après avoir creusé des trous et cela a agacé l’inspecteur, explique le jeune producteur. Il mentionne aussi la litière accumulée à l’intérieur et un bout de tôle plié qui dépassait du bâtiment. « Il y a une grosse question d’interpréta­tion. Qu’est-ce qui est conforme ou pas avec du vivant? Chez moi, aucun de mes animaux n’était maltraité, malade, le flanc creux, mal nourri, ou en détresse. Avant de rentrer dans le bâtiment avec l’inspecteur, on les entendait même ronfler! Et pour les bâtiments, c’est vrai que c’est vieux ici, mais quand tu es jeune, il faut que tu commences quelque part, avec de vieilles affaires que tu améliores. Je pense qu’un autre inspecteur aurait pu avoir un autre constat », est-il d’avis. L’agriculteu­r assure ne pas être un amateur, détenant notamment un diplôme de l’Institut de technologi­e agroalimen­taire du Québec en production animale et en transforma­tion à la ferme.

Il dit être certain que la plainte initiale vient de son voisin, un producteur de porcs de plus grande envergure qui voyait en son élevage à l’extérieur une menace pour sa biosécurit­é. Ce climat de dénonciati­on n’aide pas au bon voisinage, exprime le producteur.

Peu de soutien pour les petits

Le jeune agriculteu­r déplore le manque de soutien et d’informatio­n pour les petites production­s quant aux normes du bien-être animal. « L’inspecteur te dit que ce n’est pas correct. OK, mais après, je me tourne vers qui pour savoir quoi faire pour être 100 % conforme? Il n’y a aucun service-conseil pour ça », souligne-t-il.

Ce constat est partagé par Léon Bibeau-Mercier, président de la Coopérativ­e pour l’agricultur­e de proximité écologique (CAPÉ). « Ce qui est certain, c’est que pour l’élevage non convention­nel, d’animaux en plein air, comme le porc, le poulet de chair et la poule pondeuse, il n’y pas de chemin clair pour les normes de bien-être animal, ni de diffusion de connaissan­ces et ni de profession­nels en accompagne­ment capables de formuler des réponses qui se tiennent. »

« Pour l’élevage non convention­nel d’animaux en plein air, il n’y pas de chemin clair pour les normes de bien-être animal. » – Léon Bibeau-Mercier

Il donne l’exemple du porc. « Quelle est la densité animale qui peut m’éviter de me retrouver dans un parc de bouette après deux semaines? Ce genre de soutien agronomiqu­e, on ne l’a pas. Alors les producteur­s y vont par essai et erreur, dans une certaine mesure », mentionne M. Bibeau-Mercier.

Ce dernier espère que les grandes fédération­s, comme dans le secteur de la volaille, qui accueillen­t certains petits producteur­s parmi ses membres, transmette­nt davantage leurs expertises en matière de bien-être animal. Il dit être en discussion aussi avec le ministère de l’Agricultur­e pour « décoller » un projet sur les bonnes pratiques.

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Les notions de propreté dans les élevages sont parfois subjective­s, estime un jeune producteur de porcs dont les animaux vont à l’extérieur.

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