Une éleveuse collée sur la nature
Élevée « dans la ouate » par une mère avocate et un père informaticien, Émilie Tremblay a trouvé son bonheur dans les prés et à l’étable. Elle a fondé une ferme ovine en s’associant à des propriétaires de pâturages inoccupés avec la promesse de revaloriser leurs belles terres agricoles.
SHEFFORD – Travailler dans les champs de son oncle à l’île d’Orléans fait partie des plus beaux souvenirs de jeunesse d’Émilie Tremblay. Ces grandes corvées familiales incarnent à ses yeux les plus belles valeurs que l’on puisse léguer à la prochaine génération, dit-elle.
Laisser cet idéal en héritage à sa fille Charlotte, c’est l’une des raisons pour lesquelles cette agricultrice se démène depuis des années pour créer sa ferme avec un minimum de moyens. Elle y est parvenue en s’inventant un modèle simplifié au maximum, basé sur l’agriculture régénératrice et le partage des ressources.
La productrice d’agneau et de poulet se rappelle très bien du moment où elle a décidé de devenir elle-même agricultrice. C’était il y a 10 ans, après être allée prêter main-forte à une amie dans une ferme maraîchère biologique de Granby. « Ce fut la révélation. J’aimais tellement travailler dehors à faire quelque chose avec mes mains. Je ne pouvais plus revenir en arrière », raconte la femme de 36 ans.
Revenir en arrière, selon ses propres mots, c’était retourner « à une vie plate » à Laval. Sans attendre, elle a donc proposé ses services à différentes entreprises agricoles. Ces emplois temporaires lui ont simplement confirmé son envie de se faire productrice agricole. « Il fallait absolument que je trouve un moyen de créer ma propre ferme. »
Ne devient cependant pas agricultrice qui veut, a-t-elle rapidement compris. Un premier projet refusé par le service de maillage L’Arterre l’a vite « ramenée sur terre », admet Mme Tremblay. « Je n’étais pas prête. »
« Je développe ma ferme avec l’envie de passer tout mon savoir à la prochaine génération. Ma fille n’aura peut-être pas envie de devenir agricultrice, mais d’autres enfants seront peut-être plus tentés par l’agriculture avec mon modèle de ferme. » – Émilie Tremblay
Faire ses devoirs
Sans se décourager, la jeune femme est retournée sur les bancs d’école. Elle a enfilé les certificats en développement durable, en production animale et horticole, ainsi qu’en gestion des espaces verts à l’Université Laval. Tout ça en donnant naissance à sa fille, puis en s’en occupant. « C’était un peu fou », admet-elle.
Au fil de ses études, l’agricultrice s’est intéressée à l’agriculture régénératrice. C’est là qu’elle a imaginé une ferme où les animaux passeraient de pâturage en pâturage non seulement pour s’alimenter, mais également pour enrichir peu à peu des terres en friche. L’agricultrice pourrait exploiter la ferme à elle seule.
Par l’entremise de l’organisme L’Arterre, et ensuite par un favorable bouche-à-oreille, Émilie Tremblay a mis son plan à exécution : elle a créé, autour du lac Brome, un réseau de pâturages possédés par des propriétaires de résidences secondaires. Ces derniers ont accepté de lui prêter leurs terres gratuitement ou contre une somme minime.
Cette entente gagnant-gagnant apporte une solution à plusieurs enjeux : l’accès à la terre pour la relève,
la revitalisation des pâturages et la conservation de la vocation agricole du territoire. « En retour, les propriétaires reçoivent un crédit de taxes », affirme Mme Tremblay.
Baptisée les Pâturages du Lac Brome, l’entreprise d’Émilie Tremblay produit de l’agneau depuis 2021. Elle a également obtenu, l’an dernier, un quota de 2 000 poulets destinés aux marchés de proximité.
Comme ses brebis et ses agneaux (et deux lamas !), les poulets passent les jours d’été dans les champs. Deux fois par jour, leurs enclos amovibles sont systématiquement déplacés sur une parcelle fraîche.
« Les poulets engraissent le sol et, du même coup, nettoient les champs de tous les insectes ravageurs. Autre avantage : ils atteignent leur poids en une semaine de moins. Au bout de l’été, après quatre cycles de production, j’ai diminué d’un mois ma charge de travail », déclare-t-elle.
Le secret, rappelle Émilie Tremblay, c’est de laisser travailler la nature pour soi.
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