Des régions qui souffrent de la perte de leur abattoir
Des fermetures comme celles de l’usine Olymel à Vallée-Jonction ou, à plus petite échelle, de la coopérative du Petit Abattoir, à Saint-Joachim-de-Shefford, soulèvent la question de la rentabilité des activités d’abattage au Québec. Plusieurs réclament d’ailleurs une intervention rapide des gouvernements pour assouplir les règles encadrant ce service, qui joue un rôle crucial dans la survie et le développement des fermes d’élevage en région. Des changements sont bel et bien prévus, du côté tant provincial que fédéral.
Dans le village de Vallée-Jonction, qui compte environ 2 000 habitants, la fermeture, le 22 décembre dernier, de l’usine d’abattage et de transformation de porcs d’Olymel, qui employait quelque 1 000 personnes, a été un dur coup qui n’a pas encore fini de résonner sur l’activité économique de la région de Chaudière-Appalaches.
Mario Roy, producteur porcin de SaintJules, est parmi ceux qui s’activent pour que l’abattoir redémarre sous une forme ou une autre. Il a même tenté d’obtenir une rencontre avec le ministre de l’Agriculture du Québec, André Lamontagne, pour faire avancer le dossier plus rapidement. «On n’a pas le choix; il faut essayer de faire tout ce qu’on peut. Il y a clairement un problème d’abattage au Québec. Il faut que les acteurs du milieu s’y penchent et convainquent les gouvernements de faire quelque chose, car une fermeture comme ça, c’est toutes les régions et le milieu agricole qui en souffrent», regrette-t-il.
Or, trouver un acheteur prêt à redémarrer les activités d’abattage à ValléeJonction n’est pas simple, constate Marie-Christine Lavoie, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie Nouvelle-Beauce. Celle-ci s’est rapidement impliquée dans le dossier pour faciliter le lien entre les acheteurs potentiels et Olymel. «Il y a des gens qui ont démontré de l’intérêt pour le site, mais pour l’instant, aucun des dossiers que nous avons transférés au vendeur n’a débouché. Deux sont allés plus loin, mais ils avaient une autre vocation [que l’abattage]», spécifie-t-elle.
Un groupe de producteurs porcins de la région avait pourtant monté un projet pour racheter une partie des installations et redémarrer l’abattage à plus petite échelle, révèle Richard Lehoux, député fédéral de la Beauce. « Mais ils ne pouvaient pas acheter au prix que souhaitait obtenir Olymel, qui préférait vendre le bâtiment en bloc plutôt qu’une petite partie », rapporte-t-il.
M. Lehoux, lui-même issu du milieu agricole, estime que cette perte d’accès à un abattoir dans la région risque de provoquer la fermeture de nombreuses fermes porcines, qui doivent soudainement assumer des coûts supplémentaires pour le transport de leurs animaux «à des centaines et des centaines de kilomètres», et ce, dans un contexte où l’environnement, les coûts de transport et le bien-être animal revêtent une importance grandissante, rappelle-t-il. « Je pense qu’il faut continuer à trouver des solutions, car l’expertise qu’on a développée ici [dans le secteur porcin], quand on l’aura perdue parce que ces jeunes-là auront fermé la porte de leur entreprise, ça ne se réinvente pas.»
« Cette fermeture, c’est majeur pour les producteurs de la Beauce. » – Mario Roy
Un risque pour les fermes de toutes tailles
Le manque d’abattoirs au Québec n’affecte pas que les grosses productions, comme en témoigne la fermeture récente de la coopérative Le Petit Abattoir, en Estrie, après moins d’un an d’activités (voir autre texte en page 5). « On entend ça tout le temps, que c’est un problème, qu’il faut faire beaucoup de kilomètres avec les animaux. C’est une source importante de stress pour les agriculteurs qui y sont confrontés. Je connais même des fermes qui ont carrément abandonné après la fermeture d’abattoirs ou d’ateliers de découpe», rapporte Patrick Mundler, professeur titulaire en développement rural à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval. Selon lui, cette situation s’explique par plusieurs choses, dont la difficulté de rentabiliser ces activités, qui sont encadrées par des normes « très strictes », notamment par rapport aux inspections et à la présence d’un vétérinaire derrière chaque carcasse. «Mais il y a aussi le fait que l’abattage est concentré dans de très grosses usines qui n’ont pas beaucoup d’intérêt ou de capacités à abattre de petits lots ou différentes espèces», mentionne-t-il.
Olymel écarte-t-il la concurrence?
Marie-Christine Lavoie soupçonne qu’Olymel optera plus facilement pour un acheteur d’un autre secteur d’activités que l’abattage de porcs pour la vente de ses installations de Vallée-Jonction, et ce, pour éviter la concurrence, suggère-t-elle. Une impression que partage le député Richard Lehoux. De son côté, Olymel, dans un échange courriel avec La Terre, rétorque qu’il n’y a aucun « critère restrictif » dans les conditions de vente de la bâtisse.