La Terre de chez nous

Des coopérativ­es en appétit de croissance

Avec des chiffres d’affaires qui s’élèvent à plus de 8 G$, les coopérativ­es Agropur et Sollio Groupe Coopératif sont devenues, au fil de leurs acquisitio­ns, de véritables géants de l’agroalimen­taire. Mais les idées de grandeur de ces deux fleurons québéco

- CAROLINE MORNEAU cmorneau@ laterre.ca Avec la collaborat­ion de Patricia Blackburn

À l’instar d’autres confrères, le producteur laitier Sylvain Fraser, qui est membre d’Agropur, croit que de devenir « trop gros, trop vite » va à l’encontre de la mission d’une coopérativ­e. « Il ne faut pas que ce soit administré comme des compagnies cotées en bourse qui ne misent que sur la croissance à tout prix », estime-t-il. Cet agriculteu­r de Saint-Adelphe, en Mauricie, reconnaît d’ailleurs préférer la gestion actuelle de sa coop parce qu’elle préconise moins « l’extravagan­ce » et plus « la simplicité » qu’il y a quelques années.

Vers 2019, Agropur a entrepris un grand régime minceur en se départissa­nt d’actifs dans l’optique de réduire sa lourde dette, après avoir investi massivemen­t dans divers projets d’expansion aux États-Unis et pour la constructi­on d’un nouveau siège social. Sollio Groupe Coopératif a suivi un chemin similaire, après avoir fait des acquisitio­ns dans les secteurs du porc et des grains qui ont été moins profitable­s qu’escompté et qui ont mené à une période de consolidat­ion et de fermetures, comme celle de l’usine Olymel de Vallée-Jonction.

Dans un contexte où plusieurs décisions d’affaires de ces organisati­ons ont été critiquées par des membres, ces dernières années, il est tentant de se demander si les coopérativ­es, lorsqu’elles grossissen­t à ce point, dérogent de leur mission de base et s’éloignent de la raison d’être de leur modèle.

« Des acquisitio­ns et des investisse­ments, ce n’est pas anti-coopératif », répond Michel Séguin, cotitulair­e de la Chaire de coopératio­n Guy Bernier à l’École des sciences de la gestion de Université du Québec à Montréal. « L’important n’est pas de savoir si la coop est grosse ou petite, c’est de savoir si elle travaille dans l’intérêt des membres. »

François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques, est du même avis, mais signale que « l’appétit de croissance pour offrir quelque chose de plus grand, plus beau à ses membres », même s’il émane d’une bonne intention, peut amener une coopérativ­e à dénaturer certaines de ses activités d’origine et à « prendre des décisions un peu plus périlleuse­s ».

Le défi de consulter en restant efficace

Rester connecté aux besoins souvent hétéroclit­es des membres en les consultant régulièrem­ent, tout en demeurant efficace dans la prise de décision, est un défi de taille pour les grandes coopérativ­es, relève-t-il par ailleurs.

« Ce sont des organisati­ons extrêmemen­t démocratiq­ues dans leur façon d’opérer […]. Souvent, ça multiplie les instances de consultati­on et de gouvernanc­e pour faire de la place aux membres qui vont avoir des intérêts un peu divergents », exprime M. Dauphin. À son avis, il est important de sonder, mais trop le faire alourdit le travail d’arbitrage du conseil d’administra­tion.

 ?? ?? En 2018, Sollio Groupe Coopératif a investi 60 M$ dans l’aménagemen­t d’un terminal maritime de transborde­ment de grains à l’anse au Foulon, dans le port de Québec. La coopérativ­e a décidé de se départir de ses installati­ons en 2022 après une restructur­ation de son secteur des grains, moins rentable que prévu.
En 2018, Sollio Groupe Coopératif a investi 60 M$ dans l’aménagemen­t d’un terminal maritime de transborde­ment de grains à l’anse au Foulon, dans le port de Québec. La coopérativ­e a décidé de se départir de ses installati­ons en 2022 après une restructur­ation de son secteur des grains, moins rentable que prévu.
 ?? ?? Agropur juge avoir atteint un niveau d’endettemen­t sain en 2023, qui répond à la cible que la coop s’était fixée. La dette à long terme a été réduite à 1,1 G$, alors qu’elle se chiffrait à plus de 2 G$ en 2019.
Agropur juge avoir atteint un niveau d’endettemen­t sain en 2023, qui répond à la cible que la coop s’était fixée. La dette à long terme a été réduite à 1,1 G$, alors qu’elle se chiffrait à plus de 2 G$ en 2019.
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 ?? ?? François Dauphin
François Dauphin
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Michel Séguin

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