La Terre de chez nous

Le dilemme de vendre son sirop 45 $, 55 $ ou 70 $ le gallon

- MARTIN MÉNARD mmenard@ laterre.ca

Avec la saison des sucres qui bat son plein, des producteur­s qui amorcent leurs ventes de sirop directemen­t aux consommate­urs sont tentés d’augmenter leurs prix afin de contrebala­ncer la hausse de certains intrants et celui des taux d’intérêt. Mais certains consommate­urs sourcillen­t, restant avec l’idée que le format de huit conserves de 540 ml, communémen­t appelé un gallon de sirop, devrait se vendre sous la barre des 50 $.

À Lyster, dans le Centre-du-Québec, Frédérick Gingras s’est justement fait traiter de « pas honnête » en affichant son sirop à 60 $. « Une dame m’a écrit en disant qu’il y avait encore des gens honnêtes qui vendaient du sirop 50 $ le gallon sur Marketplac­e. Une autre personne m’a dit que ça n’avait pas de bon sens, 60 $. Elle cherchait du sirop à 35 $, maximum 45 $ le gallon. Je lui ai dit de venir passer une journée avec moi pour comprendre qu’on ne fait pas d’argent », exprime l’acériculte­ur. Ce dernier possède entre autres un élevage de chèvres et exploite 400 entailles, dont l’eau est bouillie sans avoir été préalablem­ent concentrée avec un séparateur membranair­e, ce qui exige plus de temps. Son prix, qui était de 50 $ pour huit conserves il y a quatre ans, est passé à 55 $, puis à 60 $. « Ce n’est pas pour se mettre riche, mais il faut qu’il en reste un peu », dit celui qui arrive à vendre tout son sirop et qui investit chaque année dans son érablière ayant un potentiel de 4 000 entailles.

45 $

En Montérégie, un producteur vend son gallon de sirop 45 $. « Je sais que je suis pas mal dans les moins chers, mais j’ai 21 000 entailles et je n’ai pas de contingent pour tout. Alors, j’en canne vraiment beaucoup. Et j’ai deux carrousels automatiqu­es qui cannent 100 gallons à l’heure. Ce sont des machines payées depuis longtemps; ça ne coûte pas cher de canner, comparativ­ement à quelqu’un qui fait ça à la main », dit l’acériculte­ur, qui préfère ne pas être nommé puisque ses bas prix sont mal vus par les autres producteur­s.

Il vend en moyenne près de 28 000 conserves de 540 ml par année, soit 3 500 gallons. Il a songé à augmenter ses prix cette année, mais la baisse considérab­le du coût des contenants vides et la situation économique des consommate­urs l’ont incité à ne pas le faire.

70 $

Dans Chaudière-Appalaches, Guillaume Pépin vend une partie de son sirop biologique au détail, et ce, à 70 $ le gallon ou 74 $ lorsqu’il est commandé sur son site brixco.ca, lequel inclut la livraison. Ce prix de 70 $ ne s’explique pas seulement par sa certificat­ion biologique, car dans le milieu de l’érable, le sirop bio est seulement payé environ 7 % plus cher que le sirop convention­nel. Il fixe plutôt son prix de 70 $ sur une formule mathématiq­ue.

Premièreme­nt, il se base sur le prix offert pour le sirop biologique en vrac des producteur­s détenant du contingent, soit 3,51 $ la livre. Pour huit conserves de 540 ml, cela équivaut à 42,12 $. Il additionne­lecoûtdesc­ontenantsv­ides,notamment, et ajoute 2 $ en salaire nécessaire à la mise en conserve du sirop, puis 2 $ de plus pour le coût de l’équipement associé à cette étape, ce qui lui fait un sous-total de 57,48 $. Il ajoute ensuite une marge de profit de 20 %, se traduisant par un total de près de 70 $ le gallon. Suivant cette

même logique, le sirop convention­nel se vendrait à 65 $ pour huit conserves.

Il spécifie que les producteur­s comme lui, qui détiennent du contingent, mettent en conserve leur meilleur sirop. « Il vaut donc plus que le sirop envoyé en vrac à la fédération [des Producteur­s et productric­es acéricoles du Québec] », exprime Guillaume Pépin, qui exploite 40000 entailles.

Il souligne que ses 20 % de profit peuvent paraître exagérés pour certains, mais qu’après avoir tout calculé, un prix trop bas n’est pas rentable. «On s’en rend bien compte. Si on voulait juste vendre au consommate­ur à 60 $ la canne, on n’arriverait pas. Ce n’est pas payant!» assure-t-il.

L’acériculte­ur a développé une image de marque et un visuel différent pour ses conserves, qui lui permettent de se positionne­r dans un créneau plus haut de gamme. Il développe aussi le marché des entreprise­s, avec entre autres des emballages cadeaux, afin d’améliorer la rentabilit­é de ses ventes directes.

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Guillaume Pépin a calculé que 70 $ pour huit conserves de son meilleur sirop de la saison, certifié bio et carboneutr­e, se révèle un prix équitable.
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Frédérick Gingras est fier de sa production de sirop, qu’il ne veut pas vendre à bas prix.

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