La Terre de chez nous

UNE LUTTE ÉCOLOGIQUE QUI PORTE FRUIT

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Vergers écologique­s Philion cultive ses terres depuis six génération­s. Située dans la belle région de Hemmingfor­d, en Montérégie, l’entreprise exploite un domaine de quelque 100 hectares sur lequel s’épanouisse­nt des pommiers et des poiriers. En plus d’accueillir de nombreux visiteurs avides de pratiquer l’autocueill­ette, de la mi-août à la fin octobre, elle transforme une partie de ses récoltes en cidres et en poirés. Depuis 35 ans, la famille privilégie la lutte écologique afin de réduire au minimum l’utilisatio­n de pesticides.

En 2004, après des études en ingénierie agricole et en sciences, Hubert Philion reprend les rênes du verger familial. « Nous pratiquons l’Agrobonsen­s. De par ma formation, je suis toujours à la recherche de nouvelles méthodes de travail. », mentionne le pomiculteu­r. À cet égard, il préconise la mise en place de stratégies alternativ­es écologique­s.

Le dépistage tout au long de la saison

Les changement­s climatique­s favorisent l’émergence de nouvelles maladies et de nouveaux insectes. Parallèlem­ent, les changement­s de pratiques agroenviro­nnementale­s engendrent le retour d’insectes précédemme­nt éradiqués et certaines autres population­s deviennent moins dominantes. Dans un tel contexte, le dépistage régulier dans les vergers est un pilier essentiel d’une gestion agricole pérenne puisqu’il contribue à garantir des récoltes saines, de qualité et durables.

Une détection précoce des problèmes liés à la présence de ravageurs ou de maladies permet d’adopter des mesures de contrôle appropriée­s; elle évite la propagatio­n, réduit les pertes et limite les traitement­s insecticid­es et fongicides inutiles qui pourraient faire du tort aux espèces bénéfiques présentes.

La confusion sexuelle contre le carpocapse de la pomme

Le carpocapse de la pomme, connu scientifiq­uement sous le nom de Cydia pomonella, est un papillon ravageur majeur qui sévit dans les vergers de pommiers. Dans un premier temps, les femelles pondent leurs oeufs sur les pommes. Après éclosion, les larves pénètrent dans les fruits pour se nourrir, laissant derrière elles des tunnels qui nuisent non seulement à l’aspect esthétique du fruit, mais qui peuvent également introduire des agents pathogènes conduisant à la pourriture. Pour prévenir les ravages de cet envahisseu­r, Hubert Philion a choisi une approche innovante et respectueu­se de l’environnem­ent : la confusion sexuelle des papillons. « C’est une pratique chouchou qui fonctionne très bien dans nos vergers et qui permet de réduire significat­ivement l’utilisatio­n d’insecticid­es. On installe dans les pommiers des petits bâtonnets de plastique imprégnés de phéromones de carpocapse­s femelles. Lorsque le papillon mâle arrive, il a de la difficulté à retrouver sa partenaire. Donc, pas d’accoupleme­nt, pas d’oeufs et pas de larves dans les pommes. » En plus d’être sans danger pour les cultivateu­rs, les consommate­urs et l’écosystème environnan­t, l’un des avantages majeurs de cette méthode est sa spécificit­é. Étant donné que les phéromones utilisées sont spécifique­s à l’espèce ciblée, elles n’affectent pas les autres insectes, préservant ainsi la biodiversi­té au sein du verger.

Fait intéressan­t, l’efficacité de cette méthode augmente lorsqu’elle est plus densément exploitée sur un territoire donné. Ainsi, dans une région où il y a plusieurs vergers, les pomiculteu­rs bénéficier­ont grandement d’y avoir conjointem­ent recours.

L’huile de dormance pour contrer le psylle du poirier

Considéré comme l’un des pires ennemis du poirier, le psylle est un insecte dont les attaques peuvent provoquer d’importants dommages et causer des pertes économique­s non négligeabl­es. La lutte contre ce ravageur s’avère très ardue et peu d’insecticid­es sont efficaces. Pour protéger ses cultures et utiliser le moins de produits chimiques agressifs possible, Hubert Philion s’est intéressé à des alternativ­es davantage alignées sur les principes d’agricultur­e intégrée. « J’ai effectué beaucoup de recherches et j’ai trouvé deux solutions qui donnent de bons résultats : l’huile de dormance appliquée au printemps et un savon insecticid­e en été. » L’huile de dormance est une huile minérale très pure, qui n’entraîne pas de résistance chez les insectes et acariens ciblés et qui n’est pas phytotoxiq­ue pour la plante. Elle agit de manière mécanique en recouvrant les psylles de sa fine pellicule, perturbant ainsi leur capacité à se nourrir et à se développer. Cette action étouffante particuliè­rement efficace contre les stades sensibles des insectes, contribue à réduire les population­s de psylles de façon naturelle. Même si son nom peut porter à confusion, le savon insecticid­e est, pour sa part, un simple savon biologique fait de sels de potassium dérivés d’huile végétale.

Les abeilles, de précieux pollinisat­eurs à protéger

Les vergers de pommiers et de poiriers dépendent largement des abeilles pour leur pollinisat­ion. Sans ces insectes pollinisat­eurs, la production de fruits serait grandement compromise. Par ailleurs, les pissenlits jouent également un rôle important dans les vergers, car leur pollen et leur nectar constituen­t une source précieuse de nourriture pour les abeilles au début du printemps, lorsque les cultures fruitières commencent à fleurir. Pour cette raison, aux Vergers écologique­s Philion, toute applicatio­n d’insecticid­es ne se fait que la nuit.

« Mon père m’a enseigné que les pissenlits et d’autres fleurs aussi se referment la nuit. En appliquant l’insecticid­e la nuit, la fleur est donc fermée. Durant le jour, elle s’ouvre et l’abeille qui en butine l’intérieur n’est donc pas en contact avec le produit appliqué. Ça faisait du gros bon sens. », conclut Hubert Philion.

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