La Terre de chez nous

Des centaines de demandeurs d’asile font la file pour travailler dans les fermes du Québec

- MARTIN MÉNARD mmenard@ laterre.ca @menard.journalist­e

Alors que le milieu agricole vit une pénurie de main-d’oeuvre depuis des années, près de 2 000 personnes, en majorité des demandeurs d’asile récemment arrivés à Montréal, offrent leurs services pour travailler dans les fermes du Québec.

La situation est telle que l’organisme Agrijob, dont les bureaux sont situés sur la rue Jean-Talon à Montréal, accueille chaque jour près d’une cinquantai­ne de nouvelles personnes qui viennent ajouter leur nom à la liste des demandeurs d’asile, des réfugiés et des immigrants désirant travailler dans le milieu agricole. Paradoxale­ment, il n’y a pas assez d’emplois pour eux dans les fermes des régions près de Montréal. « On doit refuser des inscriptio­ns. Pourtant, ce sont des personnes prêtes à travailler et parfois même des familles entières prêtes à travailler », se désole Sheyla Mosquera, coordonnat­rice d’Agrijob.

Avantages

Mme Mosquera souligne que l’un des avantages de cette main-d’oeuvre est leur volonté de rester au pays de façon permanente et d’apprendre la langue. Elle fait aussi remarquer que leur embauche revient, par ailleurs, moins chère que celle des travailleu­rs étrangers temporaire­s (TET). « On calcule qu’avec les frais d’intégratio­n, leur salaire revient à 18 ou 19 $ de l’heure, contrairem­ent à près de 23 $ pour un TET avec les billets d’avion et tout », mentionne-t-elle.

Un demandeur d’asile n’a pas un permis de travail fermé comme un TET, rappelle la coordonnat­rice. « Si ça ne marche pas à la ferme, l’agriculteu­r lui dit simplement merci et au revoir, sans obligation. »

Mythes à déconstrui­re

Évidemment, le terme « demandeur d’asile » reste mystérieux pour plusieurs Québécois et peut même inspirer une forme de suspicion chez certains. « Ceux qui pensent que les demandeurs d’asile sont des narcos [trafiquant­s de stupéfiant­s] ou des voleurs, c’est un mythe. Ce n’est pas vrai. Ce sont des êtres humains comme vous et moi », insiste Sheyla Mosquera, elle-même venue de Colombie, il y a une vingtaine d’années. Avant d’envoyer un demandeur d’asile dans une ferme, Agrijob demande des références et organise une entrevue avec le propriétai­re.

Fait important, précise-t-elle, ils ne sont pas des travailleu­rs illégaux, puisque les demandeurs d’asile se font rapidement donner un numéro d’assurance sociale par le gouverneme­nt.

Ils peuvent donc travailler légalement, assure la coordonnat­rice.

Du côté du comité AGRIcarriè­res, qui chapeaute Agrijob, la directrice Geneviève Lemonde fait remarquer que les demandeurs d’asile ne remplacero­nt pas les quelque 20 000 TET qui viennent annuelleme­nt travailler dans les fermes du Québec. Ils représente­nt cependant une option supplément­aire très intéressan­te pour solutionne­r les problèmes de main-d’oeuvre en agricultur­e, estime-t-elle. « Certaines fermes vont préférer un TET qui répond mieux à leur besoin et d’autres, qui ont une petite équipe, vont préférer intégrer un immigrant, qui va s’installer au Québec à long terme. »

Elle remarque que plusieurs demandeurs d’asile souhaitant travailler en agricultur­e proviennen­t d’Amérique du Sud et ont déjà une expérience dans les cultures ou avec les animaux. « Certains arrivent par contre ici avec un bagage d’émotions; d’autres se sentent démunis. Il faut donc des producteur­s qui sont prêts à bien les intégrer », prévient-elle.

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Chaque jour, le local d’Agrijob se remplit de gens qui veulent travailler en agricultur­e. Sheyla Mosquera (à droite) explique la nature du travail et prend en note le nom de ceux qui auraient un intérêt à aller vivre en région.
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