Des centaines de demandeurs d’asile font la file pour travailler dans les fermes du Québec
Alors que le milieu agricole vit une pénurie de main-d’oeuvre depuis des années, près de 2 000 personnes, en majorité des demandeurs d’asile récemment arrivés à Montréal, offrent leurs services pour travailler dans les fermes du Québec.
La situation est telle que l’organisme Agrijob, dont les bureaux sont situés sur la rue Jean-Talon à Montréal, accueille chaque jour près d’une cinquantaine de nouvelles personnes qui viennent ajouter leur nom à la liste des demandeurs d’asile, des réfugiés et des immigrants désirant travailler dans le milieu agricole. Paradoxalement, il n’y a pas assez d’emplois pour eux dans les fermes des régions près de Montréal. « On doit refuser des inscriptions. Pourtant, ce sont des personnes prêtes à travailler et parfois même des familles entières prêtes à travailler », se désole Sheyla Mosquera, coordonnatrice d’Agrijob.
Avantages
Mme Mosquera souligne que l’un des avantages de cette main-d’oeuvre est leur volonté de rester au pays de façon permanente et d’apprendre la langue. Elle fait aussi remarquer que leur embauche revient, par ailleurs, moins chère que celle des travailleurs étrangers temporaires (TET). « On calcule qu’avec les frais d’intégration, leur salaire revient à 18 ou 19 $ de l’heure, contrairement à près de 23 $ pour un TET avec les billets d’avion et tout », mentionne-t-elle.
Un demandeur d’asile n’a pas un permis de travail fermé comme un TET, rappelle la coordonnatrice. « Si ça ne marche pas à la ferme, l’agriculteur lui dit simplement merci et au revoir, sans obligation. »
Mythes à déconstruire
Évidemment, le terme « demandeur d’asile » reste mystérieux pour plusieurs Québécois et peut même inspirer une forme de suspicion chez certains. « Ceux qui pensent que les demandeurs d’asile sont des narcos [trafiquants de stupéfiants] ou des voleurs, c’est un mythe. Ce n’est pas vrai. Ce sont des êtres humains comme vous et moi », insiste Sheyla Mosquera, elle-même venue de Colombie, il y a une vingtaine d’années. Avant d’envoyer un demandeur d’asile dans une ferme, Agrijob demande des références et organise une entrevue avec le propriétaire.
Fait important, précise-t-elle, ils ne sont pas des travailleurs illégaux, puisque les demandeurs d’asile se font rapidement donner un numéro d’assurance sociale par le gouvernement.
Ils peuvent donc travailler légalement, assure la coordonnatrice.
Du côté du comité AGRIcarrières, qui chapeaute Agrijob, la directrice Geneviève Lemonde fait remarquer que les demandeurs d’asile ne remplaceront pas les quelque 20 000 TET qui viennent annuellement travailler dans les fermes du Québec. Ils représentent cependant une option supplémentaire très intéressante pour solutionner les problèmes de main-d’oeuvre en agriculture, estime-t-elle. « Certaines fermes vont préférer un TET qui répond mieux à leur besoin et d’autres, qui ont une petite équipe, vont préférer intégrer un immigrant, qui va s’installer au Québec à long terme. »
Elle remarque que plusieurs demandeurs d’asile souhaitant travailler en agriculture proviennent d’Amérique du Sud et ont déjà une expérience dans les cultures ou avec les animaux. « Certains arrivent par contre ici avec un bagage d’émotions; d’autres se sentent démunis. Il faut donc des producteurs qui sont prêts à bien les intégrer », prévient-elle.