La Voix de l'Est

UNE PIONNIÈRE À LA PRESTANCE INDÉNIABLE

- JEAN-FRANÇOIS GUILLET jean-francois.guillet@lavoixdele­st.ca

Une femme devait avoir du cran pour se lancer en politique à la fin des années 1990. Du tact aussi pour réussir à faire sa place dans un monde où les hommes étaient omniprésen­ts. Des atouts qui ont très bien servi l’ex- mairesse de Bromont, Pauline Quinlan. Un rôle en demi-teinte, ce n’était pas sa tasse de thé. Bien des journalist­es de La Voix de l’Est l’ont constaté en suivant la carrière de cette femme de tête qui s’est échelonnée sur près de deux décennies.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Pauline Quinlan a toujours été avide d’en apprendre plus sur tout ce qui l’entoure. Cette femme férue d’histoire, dont la famille est enracinée à Bromont (ancienneme­nt West Shefford) depuis belle lurette, connaît donc très bien la région. Une riche histoire qu’elle a notamment pu découvrir en lisant La Voix de l’Est. À 78 ans, elle s’intéresse toujours à l’actualité. Le moment où elle a commencé à en faire partie en 1998, en devenant la première femme à la tête de Bromont, une des rares mairesses au Québec à l’époque, a laissé une trace indélébile chez elle.

Elle se remémore en arborant un large sourire sa première entrevue avec le journalist­e Richard Plante. « J’ai toujours conservé une copie de cet article. Ça avait été pour moi toute une initiation. Je n’avais pas fait de politique municipale avant et je me retrouvais élue à la mairie de la ville. Il y avait beaucoup de défis. Ce fut une belle entrée en matière », confie celle qui a aussi fait carrière en éducation durant 35 ans, notamment comme directrice d’école.

Elle comprend bien vite l’importance d’un quotidien... au quotidien. « Quand j’arrivais à la Ville et que je voulais m’informer sur des dossiers qui m’avaient précédé, on avait une personne au service du greffe et des archives qui avait découpé tous les articles. Tout était classé par année. Le journal est une référence et presque un livre d’histoire, dit-elle. Avoir un quotidien qui permettait d’avoir tous les points de vue, les bonnes données, ça a été très précieux pour moi tout au long de ma carrière. »

RIVALITÉ

La connivence des maires amène une dimension importante dans une région, fait valoir Pauline Quinlan. « Arthur Fauteux (ex-maire de Cowansvill­e), Louis Choinière (ex- maire du défunt Canton de Granby), ce sont tous des personnage­s importants. C’était la vieille école politique. Mais on a réussi à faire évoluer notre région en mettant de côté nos besoins plus individuel­s. »

Elle a beau avoir du tact, Pauline Quinlan avait à l’occasion une vision divergente de celle des autres maires. Comme ses prédécesse­urs d’ailleurs. « Quand Bromont est née (en 1964), dans la région, on ne croyait pas que ça aurait un grand succès. Il y avait de la controvers­e. Et aussi beaucoup de rivalité entre Granby et Bromont. M. [Horace] Boivin et la famille Désourdy de l’autre », met en relief celle dont le mandat a été reconduit sans interrupti­on en 2002, 2005, 2009, puis en 2013.

L’antagonism­e entre Granby et Bromont s’est poursuivi sous son règne et a fait couler beaucoup d’encre. Principale­ment lorsque Bromont a amorcé les démarches pour quitter la MRC de la Haute-Yamaska, pour rallier celle de Brome- Missisquoi. De son côté, Pauline Quinlan estimait que Granby avait un « poids trop important » dans la MRC en tant que ville-centre, ce que rejetait le maire à l’époque, Richard Goulet.

Malgré ses nombreuses prises de bec avec son homologue de la ville voisine, Pauline Quinlan n’a jamais vu ce bras de fer comme étant personnel. « J’aimais beaucoup Richard Goulet » , confie- telle. « C’était un homme intègre et passionné par sa ville », avait-elle dit à La Voix de l’Est lors du décès de Richard Goulet en juillet 2021. CHARISME Oratrice hors pair, Pauline Quinlan ne bafouillai­t jamais lors d’une allocution, peu importe son ampleur. Bien de son temps, la mairesse de la ville branchée (c’était le slogan au tournant des années 2000) se prêtait volontiers au tournage de reportages vidéo. Pas question de faire trois prises. L’affaire était dans le sac dès qu’elle se présentait une seule fois devant la lentille.

Les séances du conseil étaient également menées rondement sous sa gouverne. La charismati­que mairesse ne se faisait

d’ailleurs pas prier pour remettre à leur place les quelques citoyens qui franchissa­ient la ligne en ne respectant pas le décorum lors des périodes de questions. Une main de fer dans un gant de velours est l’expression qui résume bien son attitude à ce chapitre.

MOMENTS FORTS

Pauline Quinlan a dû mener plusieurs combats. Ce fut le cas dès son entrée au pouvoir. Au tournant des années 2000, l’Assemblée nationale adoptait la Loi portant réforme de l’organisati­on territoria­le municipale. Pour la nouvelle mairesse, conserver l’autonomie de Bromont était crucial. Il n’était pas question d’abdiquer. On connaît la suite. Après avoir affronté un vent de face, elle et les autres élus au conseil ont eu gain de cause. Un des « moments forts » de sa longue carrière, dit-elle.

Maintenir le service de police municipal de Bromont fut également un de ces dossiers charnières qui ont ponctué son parcours. Devenir la « ville branchée » tenait aussi beaucoup à coeur à Pauline Quinlan. « Avoir internet haute vitesse au moment où c’était peu commun fut une très belle réalisatio­n », souligne-t-elle.

Le passage de Bromont de la MRC de la Haute-Yamaska vers la MRC

Brome-Missisquoi fait aussi partie de cette liste sélecte. « C’était un dossier qui a duré pendant plusieurs années et qui était plutôt controvers­é. Mais, ça nous apparaissa­it à Bromont comme un élément vital pour la ville. On n’agissait pas contre [ les autres municipali­tés voisines], mais bien pour Bromont. Et je crois qu’on a su démontrer au fil des ans qu’on est un très bon partenaire au niveau de la région. »

La création du centre de recherche en microélect­ronique, communémen­t appelé le C2MI, est aussi un haut fait d’armes. « Ça a été un dossier politique, autant fédéral que provincial, qu’on a joué de belle façon, en équipe », résume Mme Quinlan.

DOSSIERS ÉPROUVANTS

En près de 20 ans en politique, Pauline Quinlan s’est tenue à bonne distance de la controvers­e. Certains dossiers ont toutefois été plus corsés. C’est le cas du Valdes- Irlandais, qui a finalement mené à la création du parc en montagne, nommé Parc des sommets. « On avait eu des années de discussion­s avec le propriétai­re de Ski Bromont à l’époque, Charles Désourdy. Ça a été une période éprouvante. Il fallait protéger la Ville au niveau de certaines poursuites, mais surtout trouver une bonne solution pour maintenir l’harmonie. L’arrivée des nouveaux élus au conseil, entre autres Louis Villeneuve, a permis d’amener une vision différente. »

La perte des Jeux équestres mondiaux, qui devaient avoir lieu en 2018 à Bromont, fut un cuisant revers. Rappelons que la municipali­té avait présenté les épreuves équestres des Jeux olympiques en 1976. « On y croyait, mais ça ne s’est pas réalisé, indique l’exmairesse. Le sport équestre avait amené des gens à Bromont avec les olympiques. Le volet cycliste et les grandes entreprise­s aussi. »

Pauline Quinlan concède que, bien que certains articles puissent parfois faire grincer des dents, l’objectivit­é journalist­ique est primordial­e. « Ça ne fait pas toujours notre affaire, ce qui est publié dans les pages du journal, dit-elle. Mais, on doit l’accepter. »

HOULEUX MARIAGE

Dans le contexte actuel, Pauline Quinlan se lancerait-elle en politique ? « Je crois que oui. La politique nous permet de mettre au monde une vision, affirme-t-elle. Le défi maintenant est d’avoir une capacité de recevoir les messages. Ce qui est, de toute évidence, très difficile aujourd’hui. »

Elle se dit stupéfaite du nombre de politicien­s qui tirent un trait sur la politique avant même d’avoir terminé leur mandat. « Je suis de la vieille école, dit-elle. Quand tu embarques dans quelque chose, tu vas jusqu’au bout. »

Or, la politique et les réseaux sociaux constituen­t souvent un houleux mariage, constate-t-elle. « Maintenant, les politicien­s sont vraiment malmenés, entre autres sur les réseaux sociaux. Il y a tellement de gens qui écrivent des sottises. Une fois que c’est lancé, c’est difficile à défaire. »

Elle se dit néanmoins fière de voir de plus en plus de femmes en politique et d’avoir agi en tant que pionnière en la matière. « À Bromont, on a déjà eu un conseil municipal majoritair­ement féminin. Et il y a eu plusieurs femmes marquantes au Québec », dit-elle, citant en exemple l’ex- mairesse de Lac- Mégantic, Colette RoyLaroche, une femme qu’elle a connue dans les deux pans de sa vie profession­nelle.

AVENIR DES MÉDIAS

Bien qu’elle se dise « attachée » aux éditions papier du journal, Pauline Quinlan voit le numérique d’un bon oeil . « Avec l’arrivée du numérique, on s’est aperçu que les médias locaux rapportaie­nt davantage les dossiers plus près de nous. Alors, on a étendu nos horizons. Je pense qu’au niveau journalist­ique, vous vous êtes bonifiés. Ça vous permet aussi d’aller chercher plus facilement des informatio­ns qui permettent, dans certains cas, d’appuyer le discours. »

« Au Québec, on fait partie des chanceux qui peuvent compter sur un quotidien qui nous a bien servi et qui continue de le faire », ajoute-t-elle.

Comment voyez-vous l’avenir des médias ? « Quand je regarde comment s’informent mes enfants et mes petits- enfants, c’est un peu superficie­l, affirme l’expolitici­enne. Le plus important est surtout l’attachemen­t aux médias locaux. C’est très important que ça demeure. Il faut prendre le temps de lire, de s’informer, de connaître les enjeux régionaux. Malheureus­ement, on vit dans une société où on n’a plus le temps. À nous, les gens qui ont ce vécu, d’en parler et d’attirer l’attention des jeunes sur l’importance de savoir ce qui se passe près d’eux. »

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— ARC⋆IVES LA VOIX DE L’EST, ALAIN DION Pauline Quinlan
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