UNE HISTOIRE INDUSTRIELLE ÉLASTIQUE
L’histoire industrielle de Granby est indissociable de l’essor de la métropole régionale. Fin 1800, des usines, propriétés d’entrepreneurs anglophones et implantées aux abords de la rivière Yamaska, représenteront une nouvelle étape pour la municipalité dans son développement manufacturier.
En 1881, Granby, Acton Vale, Farnham, Waterloo et Roxton Falls sont des villages qui comptent entre
1000 et 1900 habitants. « Toutes ces municipalités tentent d’attirer les industries en leur accordant divers avantages financiers comme des subventions directes, des prêts sans intérêt, des exemptions de taxes et des achats d’actions » , indique Mario Gendron, historien de la Société d’histoire de la Haute-Yamaska.
Selon M. Gendron, l’objectif était pour Granby de favoriser le développement « d’entreprises d’avenir » , principalement dans les secteurs du caoutchouc destinés à l’habillement (Granby Rubber en
1882) et du tabac (Empire Tobacco en 1895).
« La politique nationale du gouvernement de John A. Macdonald imposant des droits de douane élevés sur plusieurs produits manufacturiers va permettre à des entreprises canadiennes de prospérer à l’abri du compétiteur américain », précise cet historien.
Avant l’implantation de la Granby Rubber, le paysage industriel de Granby se composait principalement de tanneries et de fabricants de voitures à cheval. L’homme d’affaires Stephen Henderson Campbell Miner, fondateur de la Granby Rubber et personnage local, érigera un quart de siècle plus tard la Miner Rubber (en 1909 exactement), une manufacture fabriquant des produits similaires.
« En 1930, la Miner Rubber comptait quelque 1500 employés. À l’instar de la Granby Miner, on y fabriquait des produits finis en caoutchouc comme des couvre- chaussures. Quant au volume de la production, je peux vous dire qu’à l’ouverture de l’usine, [...] la Miner fabriquait environ 20 000 paires de couvre-chaussures par jour », précise Mario Gendron, historien de la Société d’histoire de la Haute-Yamaska.
L’INDUSTRIE DU TABAC
Au tournant du XIXe siècle, les vapeurs de caoutchouc n’étaient pas les seules à flotter dans l’air. À la fin des années 1800, l’Empire Tobacco s’implante à Granby à la suite d’un incendie qui ravage la fabrique montréalaise.
Lorsque la fabrique ouvre ses portes, en 1896, c’est pour produire du tabac à pipe et à chiquer, qui demeurent les spécialités de l’Imperial Tobacco tout au long de son histoire.
« À titre d’employeur important, l’Empire Tobacco influe sur l’évolution du tissu urbain de Granby et contribue à former le premier quartier ouvrier de la ville, borné par les rues Principale, Saint-Charles et Cowie. De 150 lors de l’inauguration de l’usine en 1896, la force ouvrière passe à 350 en 1906 et à
700 en 1930. L’activité commerciale et le secteur de la construction s’en trouvent stimulés » , écrit LouisCharles Cloutier Blain, directeur adjoint de la Société d’histoire de la Haute-Yamaska dans un article sur l’Empire Tobacco.
« En 1972, la dernière usine de tabac en dehors de Montréal ferme définitivement ses portes. À ce moment, des
400 personnes que l’entreprise engageait encore en 1969, il n’en restait plus que 50 », précise dans son texte, M. Cloutier Blain.
Rebaptisés Imperial Tobacco en
1908 et aujourd’hui Impérial Lofts, les édifices de briques rouges situés aux abords de la rue Cowie hébergent quelque 75 locataires composés d’ateliers d’artistes, de bureaux de professionnels et de petites entreprises.
UN PIONNIER NOMMÉ PIERRE-ERNEST BOIVIN
L’expansion du secteur industriel de Granby est intimement liée à la famille Boivin. Pierre-Ernest Boivin, père du fameux Pierre-Horace, l’un des fondateurs de La Voix de
l’Est, fut selon la Société d’histoire de la Haute-Yamaska le premier industriel canadien- français à s’implanter à Granby en créant la Granby Elastic Web, en 1910.
Lorsque son père décède en 1938, Pierre- Horace Boivin — dont une sculpture le représentant orne l’entrée de l’hôtel de ville de Granby — devient président de l’entreprise familiale.
Selon un article de la Société d’histoire, on apprend que cette entreprise qui comptait alors une vingtaine d’employés produisait des élastiques destinés à retenir des « grappins à glace » qui équipaient les bottes et les chaussures.
« Favorisée par des contrats militaires au cours de la Première Guerre mondiale, l’entreprise profite de l’utilisation grandissante du tissu élastique dans l’habillement pour s’affirmer comme un des principaux producteurs
canadiens. En 1930, l’Elastic Web exporte le quart de ses produits vers l’Australie, la NouvelleZélande, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Angleterre, la Suède et le Danemark » , précise la Société d’histoire de la Haute-Yamaska.
Éprouvant de la difficulté à faire face à une concurrence qui s’est mondialisée, l’Elastic Web, qui avait pignon sur la rue Denison, a fermé ses portes en 1969, entraînant la perte de plus de 300 emplois.
« En 1939, on a commencé à délimiter certaines zones pour le secteur industriel », souligne Mario Gendron.
Pierre-Horace Boivin a surtout marqué l’histoire de la municipalité en fondant le Zoo de Granby en 1953. Celui qui occupa le fauteuil de maire de Granby, de 1939 à 1964, fut le premier commissaire industriel de la Ville. Il fut nommé à ce poste stratégique pour le développement des affaires du territoire de la municipalité en 1969.
« UNE ENTREPRISE ET UNE FONTAINE » PAR VOYAGE
« Pierre- Horace Boivin est l’un des grands développeurs de la municipalité. Lors de ses voyages à l’étranger, il rapportait dans sa valise deux choses : une entreprise et une fontaine » , illustre avec humour Patrick St-Laurent, directeur général de Granby Industriel.
Selon lui, le mandat de PierreHorace Boivin était de convaincre des industriels européens d’investir à Granby. Pierre-Horace Boivin a ainsi fait de la prospection pour trouver des entrepreneurs basés en France, en Italie, en Allemagne et en Angleterre qui étaient prêts à implanter une filiale dans les Cantons-de-l’Est.
« Je me souviens qu’à l’âge de
82 ans, M. Boivin disposait encore d’un bureau à l’hôtel de ville où il y recevait des délégations de visiteurs », souligne M. St-Laurent.
Le parc industriel de la ville de Granby a été inauguré en octobre
1971 en présence du maire de l’époque, Jean-Louis Tétreault, et de Pierre-Horace Boivin.
« Il faut souligner qu’à partir des années 1970, c’est l’arrivée de l’entrepreneuriat. Des entreprises francophones en démarrage ont été la locomotive du développement industriel de Granby. Je crois que le libre-échange avec les États-Unis a également beaucoup aidé », considère le directeur général de Granby Industriel.
Granby compte aujourd’hui
269 entreprises industrielles.