ALEC CASTONGUAY
Journaliste et analyste politique à Radio- Canada. Animateur de Midi Info à ICI Première, de 11h 30 à 13h, du lundi au vendredi
Q : En quelle année et pendant combien de temps avezvous travaillé à La Voix de l’Est ?
R : J’y ai travaillé pendant l’été 2001, alors que j’étais encore étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQAM. C’était mon baptême de feu dans un quotidien. Ma première grosse
job dans les médias.
Q : Quelle a été l’entrevue la plus marquante réalisée à La Voix de l’Est ?
R : Les vacances estivales ne sont pas propices aux grandes entrevues-chocs, mettons ! Mais je me souviens avoir fait une entrevue avec la chanteuse Marie-Ève Janvier, originaire de Roxton Pond. Elle n’avait que 16 ans à l’époque, et moi 21 ans. Si ma mémoire est bonne, elle était venue au journal avec sa mère. Elle venait d’obtenir un rôle pour la version de Notre- Dame- de- Paris qui s’en allait en tournée au ProcheOrient, notamment au Liban. On a fait ça dans une petite pièce, très relaxe. Je me suis dit en sortant qu’elle avait une tête sur les épaules, du caractère et qu’on entendrait parler d’elle encore. Je n’avais pas tort !
Q : Lors de votre passage, quel a été votre plus grand apprentissage ?
R : Que l’information régionale est aussi importante que l’information nationale. Oui, la politique québécoise et canadienne, c’est important. Les enquêtes, les gros scandales, les entrevues coup- de-poing et ainsi de suite, c’est primordial. Mais l’information de proximité aussi. Savoir comment va son monde, c’est essentiel. Même si ça ne fait pas les manchettes du Téléjournal 22 h, les résidents d’une région ont besoin de savoir ce qui se passe près de chez eux. C’est important pour la vitalité de la région, pour son économie, mais aussi pour la santé démocratique d’une ville ou d’un village.
Q : Quel est l’aspect de votre métier qui a le plus changé depuis votre passage à La
Voix de l’Est ?
R : Bien des choses ont changé en bientôt 25 ans ! Je ne suis plus dans un quotidien, mais animateur d’une émission de radio nationale, alors déjà, ça change la manière de pratiquer le journalisme. Mais de manière plus large, l’arrivée de l’information instantanée et des réseaux sociaux a changé radicalement notre manière de travailler et de s’informer. Autant pour le public que pour les journalistes. La game a changé, au point de bouleverser en profondeur le paysage médiatique. La fin de l’édition papier de La Voix de
l’Est n’est que le dernier exemple en lice.
Q : Comment entrevoyez-vous l’avenir des médias dans un environnement numérique ?
R : Les humains vont toujours avoir besoin de se faire raconter des histoires. L’humain est une bête curieuse. Elle veut savoir ce qui se passe autour d’elle. Jamais ça ne va changer. Il y a donc un besoin d’informations. Mais il n’est plus possible pour les entreprises médiatiques de collecter facilement des revenus de cette curiosité. Le modèle d’affaires est en profonde transformation. La présence des géants américains du web et la migration des contenus publicitaires font en sorte qu’il n’est plus possible d’opérer des médias avec un but lucratif, en visant les profits. Il faut donc maintenant voir l’information professionnelle, traitée par des journalistes, comme un bien public uniquement. Il doit donc y avoir de l’aide des gouvernements, une contribution plus grande des utilisateurs ( par des abonnements ou des dons...), et une mise à contribution des géants du web, qui doivent jouer leur rôle de bons citoyens corporatifs. Ce changement est en train de s’opérer. Il n’est pas facile, il laisse plusieurs victimes dans son sillage, mais il faut y arriver si on croit en la démocratie et à l’importance du débat public pour faire des choix éclairés comme société.